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REVUE. — CHRONIQUE.

amis et de l’autre les chefs naturels de toutes les sections du parti conservateur, nous aurions enfin le spectacle digne et consolant d’une discussion toute politique, au point de vue le plus élevé, au point de vue national, sans retour sur les personnes, sans autre souci que de la chose publique. Nous aurions une discussion qui ne serait en réalité que la recherche animée et consciencieuse des moyens les plus propres à atteindre le but que tous les hommes politiques se proposent. Mais les chefs seront-ils imités, écoutés par tous leurs amis ? Les ambitions secondaires peuvent-elles se contenir comme les grandes et nobles ambitions, comme celles pour qui il n’est jamais question que d’opportunité et de temps ? Hélas ! nous ne l’espérons guère ; et tandis qu’il s’agit de montrer à l’étranger que, bien qu’amis sincères de l’ordre et de la paix, nous sommes et voulons être les maîtres chez nous, tandis qu’il importe de le lui montrer avec d’autant plus d’accord, de calme, de fermeté, qu’il affecte de s’inquiéter de nos affaires et de s’étonner et de s’alarmer des faits et actes qu’il a rendus nécessaires, nous craignons, disons-le, que les vanités de tribune et les haines personnelles n’enlèvent à ces débats une partie de leur grandeur, et aux mesures proposées quelque chose de leur importance et de leur efficacité morale.

Hier encore, n’avons-nous pas vu, dans l’enceinte des études les plus pacifiques, là où la politique ne devrait jamais pénétrer qu’à l’état de science et par ses plus hautes spéculations, un homme à qui il aurait été si facile de bien faire, céder à la tentation de l’épigramme, et consumer son esprit dans des allusions déplacées ? car il ne voudrait pas, en les niant, se laisser accuser de lieux communs et d’aphorismes trop vulgaires.

Et cependant avant lui un autre homme éminent s’était trouvé sur un terrain non moins glissant, et il y avait marché d’un pas noble et ferme, sans donner à ses amis un seul instant d’inquiétude, ni à ses ennemis, si par aventure il s’en était glissé dans cet auditoire où éclataient de si unanimes applaudissemens, une lueur d’espérance. Nous laissons à d’autres l’appréciation littéraire du discours de M. Molé, mais nous le remercions de ces belles et nobles paroles : « Pourquoi faut-il que cette sorte de justice mutuelle soit encore si rare ? Comment ce progrès des lumières dont nous sommes si fiers ne tourne-t-il pas davantage au profit de l’impassibilité des esprits, de la douceur des jugemens ? »

Si nous sommes bien informés, les observations des cabinets de Vienne et de Berlin sur nos armemens, observations du reste qui paraissent avoir été faites avec une parfaite mesure et dans les termes les plus convenables, avaient pour but, non de rien reprocher à la France ni de lui contester le moins du monde son droit, mais de lui représenter que malheureusement ses armemens mettraient les gouvernemens voisins dans la pénible et coûteuse nécessité d’accroître leurs forces et leurs dépenses militaires. Dépouillées de tout appareil diplomatique, ces modestes représentations revenaient à nous dire : Au nom de Dieu ! ne dépensez pas trop d’argent, car vous nous obligeriez alors à