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que la transaction essayée par le 1er mars soit désormais impossible, et qu’il ne s’agisse plus que de faire prévaloir un côté de la chambre sur l’autre, en renonçant à tout espoir de rapprochement ultérieur. Ce n’est pas notre avis. Sans doute dans l’état actuel des choses, il y a peu de place pour un parti intermédiaire, et ceux qui refuseraient de se ranger à droite ou à gauche courraient risque d’essuyer le feu des deux armées ; mais c’est là une situation transitoire, et qui cessera nécessairement avec les circonstances qui l’ont produite. Quoi que l’on fasse, entre les hommes qui veulent que la royauté soit tout, et ceux qui veulent qu’elle ne soit rien, il existe dans la chambre, comme dans le pays, une majorité que de vieilles préventions n’empêcheront pas éternellement de se réunir. C’est seulement par la formation d’une telle majorité, c’est-à-dire, nous le répétons, par l’alliance de la gauche conservatrice et de la droite libérale, qu’il y a chance de donner enfin à la France un gouvernement indépendant et puissant. Plusieurs des ministres pensaient, il y a deux ans, de cette alliance tout ce que nous en pensons, et y travaillaient ardemment. Nous déplorons qu’ils pensent autrement aujourd’hui, et qu’ils fassent une tentative contraire. Mais, tout en regrettant vivement de les avoir pour adversaires, et sans nous dissimuler les difficultés nouvelles qui résultent d’un tel changement, nous croyons que l’œuvre doit être poursuivie sans eux. Nous dirons donc aux ministres du 1er mars et à leurs amis, que l’échec qu’ils ont éprouvé et toutes les indignités qu’ils ont subies, ne doivent pas les décourager et leur faire quitter le terrain sur lequel ils s’étaient placés. Nous dirons à la gauche constitutionnelle qu’elle aurait tort, dans sa juste irritation, de paraître encore une fois confondre sa cause avec celle de la gauche radicale et républicaine, qui jadis l’a si souvent compromise. Nous dirons à la droite libérale qu’elle ferait une faute immense en associant définitivement son sort à celui de la droite ultra, et en se perdant pour une politique qui n’est pas la sienne. On a parlé du changement notable qui, du commencement à la fin de la discussion de l’adresse, s’était manifesté dans les esprits, changement que l’on peut mesurer en comparant le premier projet d’adresse à l’adresse votée. Mais, depuis, n’est-on pas bien plus frappé encore du discrédit chaque jour croissant où tombe la politique inactive et timide ? Un jour la chambre nomme une commission qui vote à l’unanimité pour les fortifications de Paris, et qui choisit M. Thiers pour président et pour rapporteur ; le lendemain, toutes les opinions se réunissent pour demander que les armemens terri-