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SITUATION POLITIQUE.

ainsi, autant qu’il était en lui, l’œuvre de deux années. Selon nous, ces différences sont telles que nous comprenons peu qu’on puisse donner au ministère du 1er mars et au ministère du 29 octobre une égale adhésion. Est-ce à dire que les partisans du 1er mars doivent se proposer systématiquement pour but le renversement du 29 octobre, et voter contre toutes les mesures, bonnes ou mauvaises, qu’il pourra proposer ? Nous croyons qu’il y a pour les partisans du 1er mars un rôle bien plus digne, bien plus noble, bien plus utile au pays. Ce rôle, c’est avec ou sans le ministère, d’éclairer la France sur sa situation actuelle, et de la préparer à la grande lutte que, selon toute apparence, elle aura bientôt à soutenir. C’est, en même temps, d’obliger le gouvernement, quand bien même il n’en aurait pas le désir, à conserver vis-à-vis des puissances étrangères l’attitude que la chambre a voulue dans la seconde édition de son adresse. Dans des circonstances ordinaires, une opposition tracassière et journalière peut avoir ses avantages. Dans les circonstances où nous sommes, une telle opposition serait funeste et malhabile.

Nous devons d’ailleurs le dire : il n’y a, selon nous, rien de plus déplorable en politique que les changemens de personnes sans changement dans les choses. Si donc il était vrai qu’au sein de la majorité triomphante, quelques-uns cherchassent à se faire pardonner leur victoire en sacrifiant celui ou ceux auxquels cette victoire est due, et qui ont du moins le mérite d’en accepter bravement l’impopularité, nous prendrions en grande pitié ces intrigues dont le succès n’aurait d’autre effet que de donner satisfaction à de mesquines jalousies et à de petites inimitiés. Il est juste et bon, en définitive, que chaque opinion se range derrière ses hommes les plus éminens, et nous ne pensons pas que l’ostracisme, dans une cause ou dans l’autre, ajoute à la force et à la grandeur du gouvernement représentatif. Quand on regarde ce qui se passe à l’étranger, ce qui se passe dans la chambre même, il est impossible de ne pas croire qu’une politique différente de celle du 29 octobre ne devienne bientôt nécessaire. Nous ne doutons pas alors que, malgré les calomnies dont on le poursuit et les dégoûts dont on l’abreuve, l’homme d’état qui a présidé le conseil du 1er mars ne soit prêt à mettre de nouveau au service du pays sa haute intelligence et sa rare activité ; ainsi du moins c’est une pensée politique qui succédera à une autre ; ce ne sont point quelques personnes qui prendront la place de quelques autres, pour marcher précisément dans les mêmes voies et faire les mêmes choses.

Est-il vrai pourtant, comme certaines personnes le prétendent,