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indigne de la France d’aller renouer des alliances si injurieusement rompues, ou de s’exposer ailleurs, par des avances intempestives, à des refus blessans et a de sanglans dédains. Il serait absurde de recommencer la comédie des derniers mois, et de s’engager dans quelque nouvelle entreprise, pour s’en retirer bien vite au premier danger. Ce qu’il y a de pire, en ce monde, c’est d’avoir des prétentions que l’on n’ose pas soutenir jusqu’au bout. Il faut donc, ainsi qu’on le conseillait naguère à la tribune, être modeste et se contenter de peu.

Voilà pour l’extérieur. Venons à l’intérieur, et cherchons quelle est de ce côté la mission du 29 octobre et quelle doit être son œuvre.

Depuis trois ans, nous le répétons, tous les bons esprits en France sont préoccupés d’une grande et salutaire pensée, l’oubli des vieilles querelles et le rapprochement dans un vaste parti de toutes les opinions modérées et constitutionnelles. Cette pensée, le 1er mars s’honore de l’avoir plus nettement formulée qu’aucun autre cabinet ; mais elle n’appartient pas à lui seul. Dans la coalition et après la coalition, M. Guizot, avec sa haute intelligence, l’avait admirablement comprise et pratiquée. Ministres au 12 mai, M. le maréchal Soult, MM. Duchâtel, Villemain, Duperré, Teste, Cunin-Gridaine lui-même, en avaient fait la base de leur politique. Le seul ministre du 15 avril, enfin, qui fasse partie du cabinet actuel, M. Martin du Nord, semblait, vers la fin de la dernière session, disposé à s’y rallier. Nous n’avons donc aucune raison de croire que le ministère du 29 octobre ait le parti pris de s’en écarter ; mais ici encore sa situation domine sa volonté. Quel est, aux yeux des amis du 29 octobre, le crime irrémissible du 1er mars ? Celui d’avoir vécu en bonne intelligence avec la gauche, et rapproché du pouvoir les fractions modérées de l’ancienne opposition. Par le fait seul de son avènement, le ministère du 29 octobre est donc venu de nouveau couper la chambre en deux, et séparer ou plutôt armer l’un contre l’autre l’esprit conservateur et l’esprit progressif, l’amour de l’ordre et l’amour de la liberté. Par le fait seul de son avènement, il a replacé les partis dans la situation de 1834, et ressuscité les haines et les querelles de cette époque. Par le fait seul de son avènement, en un mot, il a détruit ou du moins suspendu le travail de réconciliation qui s’opérait depuis deux ans, et auquel la plupart de ses membres ont eux-mêmes contribué. Est-ce là une sage tentative, une tentative qui mérite d’être approuvée ? Est-ce du moins une tentative qui ait quelque chance de succès ? Ni l’un, ni l’autre, ce nous semble. Lorsque