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SITUATION POLITIQUE.

préférable à la guerre, et que, si la France pouvait la maintenir avec honneur, il n’y avait point à hésiter. Quelquefois à la vérité leurs sentimens et leurs inquiétudes ont débordé avec quelque vivacité ; mais en cela, ils étaient égalés, si ce n’est dépassés, par le principal organe du parti conservateur, alors plus résolu que personne. La seule différence, c’est que leur langage a été le même du commencement à la fin, et que le canon de Beyrouth n’a pas subitement fait défaillir leur voix et glacé leur ardeur.

Voici donc, en définitive, à quoi se réduit le grief. Le ministère du 1er  mars, violemment attaqué par le parti conservateur, a trouvé dans la presse des amis qui, tout en faisant leurs réserves, ont bien voulu lui prêter leur libre appui, et défendre, de concert avec lui, la double cause de l’indépendance parlementaire et de l’honneur du pays. Nous souhaitons que les rapports de leurs successeurs avec la presse soient toujours aussi honorables.

En résumé, placé non par sa faute en face d’une coalition redoutable, le ministère du 1er  mars a su au dehors, sans forfanterie et sans imprudence, soutenir dignement l’honneur du pays et mettre la France en état de se faire respecter. Il a, au dedans, sans concession dangereuse et sans réaction, rallié au gouvernement une portion considérable de l’ancienne opposition et enlevé aux partis extra-constitutionnels un point d’appui sans lequel leur impuissance est évidente. Voilà ce qu’a fait le ministère du 1er  mars. Voyons ce qu’est venu faire le ministère du 29 octobre.

Il y a d’abord dans le fait même de l’avènement du cabinet actuel et dans les circonstances qui ont précédé cet avènement, quelque chose de fâcheux et presque de fatal. Le jour où le dernier cabinet, avec modération, mais avec fermeté, déclara à l’Europe étonnée que la France n’entendait pas être mise hors des affaires européennes, et que, pour soutenir ses justes prétentions, elle était prête même à faire la guerre, il s’éleva dans les chancelleries étrangères une clameur unanime contre un cabinet dont la témérité s’élevait jusqu’à des résolutions si étranges. De Saint-Pétersbourg à Londres, le mot d’ordre fut donc que si la France voulait qu’on se montrât indulgent pour elle, il fallait qu’elle prouvât son repentir en chassant du pouvoir le ministre incendiaire qui osait, un contre quatre, ne pas désespérer de son pays. Dans le premier moment, cette injonction des quatre puissances excita, on le sait, une indignation générale, et affermit le ministère au lieu de l’ébranler. Cependant le sacrifice que demandaient les chancelleries étrangères a été fait, et le ministère