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ne peut revendiquer d’autre avantage que celui d’avoir moins bien réussi ? Est-ce enfin le 29 octobre, dont presque tous les membres ont fait partie de la coalition ? Il faudrait enfin renoncer à ces banales accusations, et reconnaître qu’entre la gauche constitutionnelle et une portion du centre il n’y a plus aujourd’hui d’abîmes infranchissables comme en 1831 et 1832. Il faudrait reconnaître que le temps a dépouillé les opinions des uns et des autres de ce qu’elles avaient d’exclusif, et rendu un rapprochement possible. Depuis trois ans, ce rapprochement a été tenté par tous les ministères. Le seul tort du 1er mars est d’avoir été plus habile ou plus heureux que ses devanciers.

La question, au surplus, n’est pas de savoir qui a voté pour le ministère du 1er mars, mais comment il a gouverné. Or, nous défions que dans toute sa conduite on trouve une concession, une seule aux idées anarchiques et désorganisatrices. On prétend que, sous ce ministère, l’ordre n’a pas été suffisamment maintenu. Où a-t-on vu cela ? Sous le ministère du 1er mars, la société a couru deux immenses dangers, celui des émeutes nées de la disette et celui de vastes coalitions d’ouvriers. Ce ne sont pas là malheureusement des dangers qu’on puisse prévenir ; mais n’ont-ils pas été partout énergiquement, efficacement réprimés ? Certains conservateurs, à la vérité, auraient voulu que les ouvriers coalisés fussent dès le premier jour traités comme les insurgés d’avril ou de juin, et qu’une bataille régulière dans Paris prouvât de nouveau la fidélité des troupes et la force du gouvernement. Nul doute qu’il n’eût fallu, si le désordre avait duré, en venir à cette déplorable extrémité ; mais ne vaut-il pas cent fois mieux l’avoir évitée ? Nous sommes d’avis qu’on ne saurait, quand l’émeute éclate, déployer trop d’énergie pour la réprimer, trop de sévérité pour la punir ; mais nous sommes d’avis aussi qu’il faut d’abord épuiser tous les moyens d’éclairer les esprits et de calmer les passions. C’est ce qu’a fait le ministère du 1er mars dans l’affaire des coalitions, et il a réussi. Qui oserait s’en plaindre ?

Ce n’est pas sérieusement que l’on reproche au 1er mars l’agitation qui a suivi le traité du 15 juillet, et les manifestations, auxquelles cet évènement a donné lieu. Il était impossible, assurément, que la France apprît sans s’émouvoir qu’une coalition nouvelle venait de se former ; il était impossible que cette émotion ne produisît pas quelques désordres et ne rallumât pas quelques mauvaises passions. Plus d’ailleurs on peindra l’anarchie comme menaçante, plus on prouvera qu’il est nécessaire de lui opposer toutes les forces du pays, plus