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SITUATION POLITIQUE.

débuter par un refus absolu de concours, l’un en 1830, l’autre en 1840. Quand le parti conservateur traitait M. Thiers comme le parti libéral sous la restauration avait traité M. de Polignac, serait-il bien surprenant que M. Thiers se fût cru parfaitement libre à l’égard du parti conservateur, et que, maître du pouvoir, il l’eût placé exclusivement là où, malgré de vieilles préventions, il trouvait bienveillance et modération ? Cependant M. Thiers n’en a rien fait, et c’est une des plus grandes preuves de sagesse et de bon sens qui jamais aient été données. Ainsi le ministère du 1er mars avait déclaré qu’il n’apportait point la réforme électorale. La réforme électorale a-t-elle été par lui ouvertement ou secrètement soutenue ? Le ministère du 1er mars avait annoncé qu’il n’y aurait point de réaction administrative. Cette réaction a-t-elle eu lieu ? Le ministère du 1er mars, enfin, avait dit que dans la distribution des places il ne se montrerait pas exclusif. S’est-il montré exclusif, quand dans son impartialité, il a été jusqu’à offrir une place élevée dans la magistrature à un ancien ministre du 15 avril, à celui-là même que repoussait six mois auparavant M. Teste, aujourd’hui collègue de M. Martin ? Il est vrai qu’en même temps le ministère du 1er mars acceptait avec joie, avec reconnaissance, l’appui de la gauche constitutionnelle. Mais où a-t-on vu que le moyen d’opérer une transaction entre plusieurs partis soit d’excommunier un d’entre eux ? Pour notre part, nous le déclarons, quand le ministère du 1er mars s’est formé, nous osions à peine espérer que la gauche constitutionnelle se prêtât si facilement, si loyalement à la politique de transaction. Dans plusieurs occasions, sans doute, et notamment quand il s’est agi de mettre l’administration secondaire en harmonie avec l’administration supérieure, la gauche constitutionnelle s’est plainte que le ministère fît trop peu ; mais elle a compris en même temps que, dans la situation qu’il avait prise, le ministère dût éviter jusqu’à l’apparence d’une réaction, et elle n’en a pas moins continué à lui donner son appui. Que l’on compare cette conduite à celle du parti ultra-conservateur, et qu’on dise de quel côté est, depuis deux ans, la véritable modération.

Nous voudrions, d’ailleurs, qu’on nous dît qui dans la chambre, ou hors de la chambre, a maintenant le droit de se présenter comme pur de tout contact avec la gauche, et comme ennemi systématique de toutes concessions à ce parti. Est-ce le 15 avril qui, dans des vues qu’il ne s’agit pas d’apprécier ici, débuta par lui jeter la plus énorme des concessions, celle de l’amnistie ? Est-ce le 12 mai dont la politique envers la gauche a été précisément celle du 1er mars, et qui