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toute transaction. Nous regrettons pourtant que le ministère du 1er mars ait cédé, et qu’il ait ainsi, sans le vouloir, facilité l’œuvre déplorable qui s’est accomplie depuis. Mais si, comme nous le pensons, le reproche est fondé, ce n’est certes pas du parti pacifique et ultra-monarchique qu’il devait venir. C’est pourtant ce dernier parti qui, après avoir profité de la faute du 1er mars pour le renverser, n’a cessé, pour achever de le perdre, de s’en faire une arme contre lui ! C’est ce dernier parti qu’on a entendu, qu’on entend encore chaque jour, au nom des principes constitutionnels les plus absolus, blâmer sa condescendance et railler son dévouement ! Nous espérons que la leçon profitera, et qu’aucun ministre, désormais, quelles que soient les circonstances, ne fera au parti conservateur des sacrifices qui obtiennent tant de reconnaissance, et dont on est payé par de si loyaux procédés.

Au dehors, nous croyons l’avoir suffisamment prouvé, le dernier cabinet s’est montré parfaitement fidèle à son programme. L’a-t-il été moins au dedans ? C’est ce que nous allons examiner.

Nous avons entendu quelques personnes, dont nous honorons le caractère, établir entre la politique extérieure et la politique intérieure du dernier cabinet une distinction radicale. Selon ces personnes, la politique extérieure du dernier cabinet, bonne en soi, a malheureusement été compromise par sa politique intérieure. Les passions anarchiques sortant de leur tombeau, les esprits ébranlés et agités, le désordre réprimé avec une mollesse voisine de la connivence, la presse, même ministérielle, plus violente, plus incendiaire que jamais, voilà, disent ces personnes, ce qu’on a vu sous le 1er mars, voilà ce qui a justement effrayé le parti conservateur tout entier. Pour tout exprimer en un seul mot, pour la première fois depuis huit ans, le pouvoir a été livré sans partage aux hommes et aux doctrines de la gauche. Ce n’est certes pas là ce que le 1er mars promettait lors de son avènement.

Il y a d’abord une grave observation à faire. En supposant que, sous le 1er mars, le pouvoir, en effet, se fût fixé exclusivement à gauche, à qui faudrait-il l’imputer ? Au ministère qui avec loyauté et fermeté offrait à toutes les opinions modérées de la chambre une équitable transaction, ou bien à ceux qui dès le premier jour, sans attendre les actes, ont brutalement et systématiquement repoussé cette transaction ? Depuis vingt-cinq ans que le gouvernement représentatif existe en France, bien des ministères se sont succédés. Il n’y a pourtant que deux exemples d’une opposition assez hostile pour