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SITUATION POLITIQUE.

traité le plus juste du monde, et font un crime au 1er  mars de ne l’avoir pas pris en bonne part. Sans doute, cela valait mieux, à tout prendre, que d’avancer pour reculer ensuite, que de mettre la main sur la garde de son épée pour la laisser dans le fourreau, que de menacer pour ne pas frapper. Mais on ne peut du moins accuser de faiblesse les hommes qui ont tenu jusqu’au bout le même langage, et qui ont cessé d’être ministres plutôt que de souscrire à l’abaissement du pays.

Pour être parfaitement impartial, il faut pourtant reconnaître qu’une faute grave a signalé les derniers jours du 1er  mars, et jusqu’à un certain point compromis sa situation. Jusqu’au bombardement de Beyrouth, on pouvait très raisonnablement espérer que les quatre puissances, averties des intentions de la France, y auraient égard, et consentiraient, pour éviter la guerre, à une transaction honorable pour tous. Dès-lors le ministère du 1er  mars aurait été coupable si, par une détermination violente et précipitée, il eût allumé l’incendie et donné le signal d’une collision universelle ; mais une fois Beyrouth bombardé, il devint évident que les puissances ne croyaient pas à la résolution inébranlable de la France, et qu’elles étaient déterminées à pousser les choses jusqu’au bout. C’était le moment de substituer l’action à la discussion, ou du moins, si l’on continuait à négocier, d’appuyer la négociation par quelque mesure efficace et hardie. Le ministère du 1er  mars fut de cet avis, et proposa, comme on le sait, l’envoi immédiat de la flotte à Alexandrie, avec mission expresse de combattre la flotte anglaise, si la flotte anglaise ne s’arrêtait pas. Nous avons de fortes raisons de croire que cette résolution, si elle avait reçu son exécution, eût changé notablement la marche des évènemens et maintenu en Orient la vieille influence de la France. Il est donc très fâcheux que le ministère ait cru devoir retirer la démission qu’il avait d’abord donnée, et accepter un ajournement. Nous savons les graves motifs qui, au milieu de l’agitation qui régnait alors, pesèrent sur sa détermination Quand les amis les plus fermes de la monarchie constitutionnelle disent à des ministres pénétrés du sentiment de leur responsabilité que leur retraite, si elle a lieu, sera le signal de l’insurrection et peut-être de l’assassinat ; quand ils leur demandent s’ils veulent jouer le rôle d’Espartero et quitter le pouvoir pour y être ramenés par l’émeute huit jours plus tard ; quand, allant plus loin encore, ils vont jusqu’à leur montrer une révolution comme la conséquence possible et même probable du parti qu’ils veulent prendre, il est, nous le comprenons, bien difficile de résister et de se refuser à