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isolement en Europe, au sein des gouvernemens et des peuples. L’Autriche et la Prusse ont embrassé avec ardeur l’idée d’un accord européen dont nous serions exclus ; l’une et l’autre ont fait à cette passion d’une autre époque des sacrifices d’influence et peut-être de sécurité. La convention de Londres, qui, prise au pied de la lettre, n’offre en effet qu’une importance secondaire, si l’on n’y voit que la part trop faible faite au pacha d’Égypte, tire donc son caractère véritable de sa double tendance politique. D’une part, c’est un vague ressouvenir de Chaumont ; de l’autre, c’est le principe avoué de la direction suprême de l’Angleterre et de la Russie dans les affaires d’Orient. C’est une ombre évoquée dans le passé, c’est une perpétuelle menace dans l’avenir.

Les conséquences éventuelles d’un pareil acte, et l’isolement où le seul fait de sa conclusion plaçait la France, imposaient à celle-ci l’impérieux devoir d’arrêter le mal dès son principe, en réclamant avec une décision calme, mais inflexible, une modification à l’état de choses, très alarmant pour elle, créé par le traité. Espérer que ce traité conclu ne serait pas ratifié, ou que, les ratifications échangées, il serait sursis à son exécution ; ne pas pressentir que cette exécution serait hardie autant que rapide, à raison même des obstacles que tout retard pouvait entraîner, c’eût été se bercer d’illusions tellement inexplicables, que tout le monde se défend aujourd’hui de les avoir éprouvées. Il fallait donc qu’une résolution instantanée répondît à un acte tout au moins imprudent, qui, en rompant une alliance de dix années, déplaçait soudainement toutes les positions du monde politique ; il fallait que la France se mît immédiatement en mesure d’obtenir, par un complément de négociations appuyé d’une intervention directe sur le théâtre des évènemens, une modification aux dispositions de Londres, modification bien moins importante pour sauver les intérêts du pacha d’Égypte que pour prévenir les conséquences ultérieures de l’intervention anglo-russe en Orient.

Nous éviterons le ridicule des plans de campagne tracés après coup ; mais nous devons à notre conscience de déclarer qu’à nos yeux, si une fâcheuse indécision n’avait paralysé toutes les résolutions du gouvernement, il y avait des moyens à employer pour rendre l’exécution intégrale du traité tellement difficile, que les puissances signataires, ménagées d’ailleurs dans leurs justes susceptibilités, comme nous demandions à l’être nous-mêmes, auraient vraisemblablement accepté, avant de pousser les choses à outrance, l’occasion d’ouvrir des négociations avec la France. Ne peut-on pas croire, par exemple,