Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
REVUE DES DEUX MONDES.

d’un partage de la Turquie, puis en même temps, et le plus souvent sans transition, une œuvre toute individuelle de lord Palmerston, une petite vengeance contre la personne de M. Thiers, un nuage passager entre les deux nations dont les intérêts ne restent pas moins unis pour l’avenir, une sorte de brouille d’époux, destinée à leur rendre bientôt les douceurs du honey-moon.

Dans la solennelle discussion qui vient d’occuper le monde, M. le ministre des affaires étrangères du cabinet actuel, dont les paroles empruntent tant d’autorité à son ancienne situation et à sa position présente, et avec lui les membres de la majorité de la commission, après un laborieux examen des détails de cette grande transaction, ont paru en attribuer la conclusion soudaine à deux causes : la persistance de la France dans des propositions itérativement repoussées par les autres cours, et la découverte d’une négociation séparée tendant à l’arrangement direct entre le suzerain et son vassal. M. le ministre des affaires étrangères a cru pouvoir ajouter que, dans sa conviction profonde, le traité ne s’appliquait en réalité qu’aux intérêts qu’il avait définis, que cet acte ne contenait rien de moins et rien de plus, et il a paru l’envisager beaucoup moins comme l’inauguration d’une politique nouvelle dans les affaires d’Orient que comme un incident déterminé par certaines fautes ; il a semblé enfin y voir un épisode, grave sans doute, mais transitoire, dans l’histoire de nos bons rapports avec la Grande-Bretagne.

Nous ne saurions accepter cette opinion, et réduire à de telles proportions le grand acte qui a si vivement ému la France et le monde.

Le gouvernement français a eu le tort réel, et nous l’avons déjà reconnu, de ne pas modifier son attitude à Londres sitôt que la position s’y était trouvée radicalement changée par les progrès évidens de la négociation Brunow ; il a eu le tort moins sérieux, réel cependant, de fournir, par l’envoi de M. Périer en Égypte, non pas un motif, mais un prétexte au gouvernement qui ne craint pas de mettre une tentative de conciliation parfaitement légitime, même au point de vue du concert européen, puisque l’accord prétendu dont on arguait depuis le 27 juillet était alors évidemment rompu, en regard de l’insurrection de Syrie et des ordres sans exemple donnés aux amiraux de sa flotte ; mais ces torts ne suffisent en aucune façon pour expliquer, au simple point de vue des intérêts de l’Angleterre, le brusque et complet abandon de l’alliance française.

Ce serait aussi par trop nous rabaisser dans l’estime du monde que de croire notre concours d’un prix assez faible pour être aussi légè-