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EXPÉDITION DE GOMEZ.

stitutionnelle se plaignait encore plus de ses généraux, et avec plus de raison.

La colère publique se porta principalement sur Rodil. Ce général, investi de pouvoirs presque illimités par le nouveau gouvernement, avait annoncé qu’il exterminerait en peu de temps toutes les bandes qui désolaient la Péninsule. On a vu comment il avait tenu parole ; il n’avait rien prévu, rien empêché ; l’entrée de Gomez en Andalousie, son irruption en Estramadure, l’avaient pris au dépourvu. À la tête de toutes les forces militaires de l’Espagne, il avait laissé prendre Cordoue et menacer Séville ; il était à quelques lieues d’Almaden, quand cette ville avait été investie, et il ne l’avait pas secourue. À Truxillo, à Caceres, il lui aurait été facile de joindre et d’écraser Gomez ; il ne l’avait pas essayé. Il s’obstinait à rester dans son cabinet à tracer des parallèles ; sa foi dans ses plans stratégiques, toujours démentis par les évènemens, était telle qu’il se plaignait un jour dans un de ses rapports de la malicieuse lenteur de Gomez, qui dérangeait sans doute une de ses plus savantes combinaisons. Les journaux de Madrid ne tarissaient pas en accusations et en plaisanteries contre lui. Un, entre autres, fit remarquer fort judicieusement que la propriété des parallèles étant de ne jamais se rencontrer, il n’était pas étonnant que le ministre de la guerre, avec ses lignes, ne rencontrât jamais Gomez.

Un décret royal, en date du 15 novembre, retira à Rodil le ministère de la guerre et tous les pouvoirs qui lui avaient été confiés. Rodil remit le commandement de sa division au général Ribero, et se retira dans l’obscurité, fort heureux de sauver sa tête, qui avait été demandée par les plus ardens. Ribero partit aussitôt pour l’Andalousie avec ses huit mille hommes.

Quant à Alaix, il était entré à Cordoue par une porte pendant que Gomez en sortait par une autre, et il s’était, comme d’ordinaire, arrêté dans cette ville, au lieu de suivre l’ennemi. Plus tard, il avait recommencé à tenir la campagne, mais marchant en quelque sorte au hasard, et ne sachant où trouver Gomez. Pendant plusieurs jours, on fut à Madrid sans aucune nouvelle de sa division. De son côté, il se plaignait hautement qu’on ne lui envoyât ni munitions, ni rations, ni souliers, et ses troupes profitaient du dénuement où on les laissait pour rançonner sans pitié les pays qu’elles traversaient. On en était venu, dans les villes les plus constitutionnelles d’Andalousie, à préférer voir arriver la bande de Gomez plutôt que celle d’Alaix. À Cordoue, le général avait donné l’exemple en dépouillant les églises de leurs