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les autres, quatre-vingt-dix[1]. Sophocle en fit jouer plus de cent soixante et dix[2], Euripide environ cent vingt[3]. Les poètes comiques ne furent pas moins féconds. Aristophane, selon Suidas, composa cinquante-quatre comédies[4], Ménandre cent neuf, Philémon quatre-vingt-dix-sept ; Antiphane, Alexis, Diphile, Posidippe, Apollodore, chacun au moins autant[5]. Le nombre même des poètes dramatiques en Grèce ne fut pas moins considérable que celui des ouvrages. Fabricius compte cent quatre-vingts auteurs tragiques, la plupart antérieurs à Aristote.

La pensée peut à peine trouver place pour toutes les représentations que ces chiffres supposent, principalement sur des théâtres tels que ceux de la Grèce, qui ne s’ouvraient aux concours scéniques que dans de certaines fêtes et pendant un petit nombre de jours chaque année. Il est vrai que pendant les beaux temps du théâtre grec et romain chaque drame n’était joué qu’une fois. De là les locutions consacrées à Athènes : Le temps des drames nouveaux, la saison des tragédies nouvelles[6], pour désigner l’époque des solennités, dont les concours scéniques faisaient partie. On ne cite que bien peu de pièces, si même on peut en citer, qui, comme les Grenouilles d’Aristophane[7], aient reçu un nouveau chœur après avoir été couronnées, ou qui aient été redemandées à Rome[8], comme le fut l’Eunuque de Térence. En général, il fallait qu’une pièce eût été refaite en entier pour obtenir un nouveau chœur en Grèce[9], ou pour être achetée une seconde fois par les édiles à Rome[10].

De plus, on ne jouait jamais une seule tragédie, ni une seule comédie. En Grèce, les jeux du théâtre, comme tous les autres jeux

  1. Suidas, cité par M. Welcker (Die AEschylische Trilogie, pag. 543). Celui-ci porte à cent douze le nombre des pièces d’Eschyle. V, ibid.
  2. Suidas (voc. Σοφοκλῆς) dit cent vingt-trois.
  3. Suidas (voc. Εὐριπίδης) en compte quatre-vingt-douze. — Meurs., Libell. de trium tragic. fabulis.
  4. Quarante-quatre indubitables, suivant les critiques modernes.
  5. Meinecke, Histor. Grœcor. comic.
  6. Aristoph., Nub., v. 547 ; Schol., ibid.Osann., Inscript., III, pag. 128, et IV, pag. 164. — Plutarch., Phoc., cap. XIX.
  7. Dicæarch., in Argum. ad Aristophan. Ran., pag. 115, ed. Kust.
  8. Il ne s’agit que du premier âge de la scène grecque et romaine. J’ai montré ailleurs comment dans la suite les chefs-d’œuvre furent souvent redemandés et rejoués tant en Grèce qu’en Italie. « Redeant iterum atque iterum spectanda theatris… » Horat., lib. i, sat. X, v. 37.
  9. Les Euménides d’Eschyle, plusieurs des pièces de Sophocle, les Nuées d’Aristophane, et une comédie tombée d’Anaxandride, furent refaites et rejouées. V. Athen., lib. IX, p. 374. — Casaub., in ejusd., lib. VII, pag. 487. — Aul. Gell., lib. XV, cap. XX. — Boeckh., Tragæd. Græcor. princip.Guill. Esser., De prim. et alter. Nub. Aristoph. editione dissert.
  10. Terent., Hecyr., prolog., secund. edit., v. 6, seq.