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PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE.

et de la relativité. Bien plus, il se refuse à affranchir de cette loi l’intelligence divine. « On ne peut, dit M. Hamilton, désirer un plus complet aveu, non-seulement que la connaissance de l’absolu est impossible pour l’homme, mais encore que nous ne pouvons pas en concevoir la possibilité, même dans Dieu, sans contredire notre conception humaine de la possibilité même de l’intelligence. Notre auteur cependant n’aperçoit ici aucune contradiction, et, sans preuve ni explication, il accorde la connaissance de ce qui ne peut être connu que sous la négation de toute différence et de toute pluralité à ce qui ne peut connaître que sous l’affirmation de ces deux choses. — Ce ne serait qu’en méconnaissant les difficultés radicales du problème, que M. Cousin voudrait abandonner l’intuition intellectuelle et conserver l’absolu. En effet, comment cela même dont l’essence est une unité qui embrasse tout, pourrait-il être connu par la négation de cette unité sous la condition de pluralité ? comment ce qui n’existe que comme l’identité de toute différence peut-il être connu par la négation de cette identité, dans l’antithèse du sujet et de l’objet, de la connaissance et de l’existence ? Ce sont là des contradictions que M. Cousin n’a pas tenté de résoudre. »

Peut-être ne serait-il pas impossible de faire voir que dans les argumens présentés d’ailleurs avec tant d’habileté par M. Hamilton, soit contre la doctrine de M. Schelling, soit contre celle de M. Cousin, il y a plus d’apparence que de fond. Son argumentation revient à dire que la science de l’absolu, selon M. Schelling, est en contradiction avec la nature de toute science, et la science de l’absolu, selon M. Cousin, en contradiction avec la nature de l’absolu, tel que le définit M. Cousin lui-même ; et cela sur ce principe que la connaissance implique toujours quelque diversité, et l’absolu, au contraire, une unité parfaite. Peut-être qu’il y a moyen de donner aux deux doctrines un sens vrai, d’en résoudre les contradictions apparentes, et de les unir en une seule et même et profonde vérité. Qu’y aurait-il d’étrange à concevoir comme le dernier terme de la science une extrémité où la diversité, l’opposition qui est la loi de son développement, viendrait par degrés s’évanouir ? Qu’y aurait-il de si absurde à penser que l’absolue connaissance est en quelque sorte (comme dans les mathématiques) la limite où se trouve la commune mesure et la raison dernière des contraires, non le lieu où ils se confondent, mais le terme où la négation et la limitation disparaissent, vaincues, dans l’identité du principe ? Un auteur ingénieux et pénétrant dit à propos d’un de ces mélanges de contraires qui se