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REVUE. — CHRONIQUE.

de ses bataillons mobiles. Nous croyons que tout est prêt pour cette mesure importante, et qu’elle ne tardera pas à être réalisée.

Cet ensemble de préparatifs vient de recevoir, pour ainsi dire, son couronnement par la résolution que le gouvernement a prise de fortifier Paris. C’est là une grande mesure, une mesure décisive, que les amis éclairés de la puissance nationale attendaient avec impatience. Lorsqu’une grande capitale, une capitale dont la perte décide du sort du royaume, est aussi rapprochée des frontières et des champs de bataille historiques que l’est Paris, c’est tout jouer sur un coup de dés que de ne pas la mettre à l’abri d’un coup de main, d’une marche hardie, aventureuse de l’ennemi. Les faits sont ici sans réplique. C’est Paris, ville ouverte, sans défense, qui a rendu inutiles les prodiges de cette admirable campagne de 1814, où le grand capitaine luttait avec une poignée d’hommes contre l’Europe entière.

Si la capitale eût été fortifiée, aurait-on osé, contre toutes les règles de l’art de la guerre, marcher sur Paris, en laissant derrière soi l’empereur, son armée, de nombreuses garnisons, des populations irritées ? Et si on l’eût osé, croit-on sérieusement que les Cosaques auraient bivouaqué aux Champs-Élysées ? Un immense désastre aurait frappé les alliés sous les murs de la capitale, et cette retraite que l’ennemi fut sur le point d’exécuter, lorsqu’il hésitait à Langres sur la résolution à prendre, n’aurait été qu’une grande défaite, si elle eût dû commencer sous les murs de Paris. Les hommes qui, en 1814 et en 1815, ont été accusés de trahison ou de faiblesse, auraient été à l’abri de tout soupçon et auraient échappé à tout reproche, si Paris fortifié leur avait inspiré une confiance que ne leur inspirait point Paris ville ouverte et désarmée, s’ils avaient été convaincus que cette grande capitale pouvait réellement devenir la base d’une défense sérieuse et prolongée !

Paris fortifié ajoute à nos armées une excellente armée de cent mille hommes ; car, s’il est absurde d’imaginer qu’une population non-militaire, quelle que soit d’ailleurs sa bravoure, puisse du jour au lendemain, et avec quelques chances de succès, se mesurer à découvert avec des armées victorieuses et aguerries, il n’est pas douteux que cette même population, lorsqu’elle est aussi brave, aussi habituée au maniement des armes que l’est la population parisienne, peut fournir, avec quelques artilleurs et quelques soldats de ligne, une formidable garnison à une ville fortifiée, et préparer, par une énergique résistance, la destruction d’une armée d’invasion.

Que le gouvernement poursuive avec énergie, avec promptitude, le plan qu’il vient d’adopter, et il aura rendu au pays un de ces services que la reconnaissance publique n’oublie pas. Il n’aura pas seulement mis Paris à l’abri d’un coup de main ; il aura changé, en l’élevant et en la fortifiant, la position politique et militaire de la France.

Encore une fois, que le gouvernement persiste dans ses mesures, qu’il les exécute avec persévérance, avec suite, avec énergie, qu’il les complète l’une par l’autre, qu’il ne laisse rien d’inachevé, qu’il mette la France en état de venger immédiatement tout affront, de braver toute menace, d’obtenir à l’in-