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même, s’il ne l’a déjà fait, les questions que cette situation lui présente, et de redoubler, si c’est possible, d’activité pour mettre le pays en état d’affronter avec honneur toutes les éventualités.

Les questions qu’offre la situation sont graves, mais ne sont pas très nombreuses. Le cercle des hypothèses quelque peu probables, en y comprenant même des hypothèses extrêmes, n’est pas long à parcourir. Les unes pourraient se réaliser demain, les autres ne le pourraient que dans un temps plus éloigné. Peu importe. Le cabinet aurait tort de vivre au jour le jour, en attendant que l’une ou l’autre hypothèse se réalise pour résoudre alors à la hâte, sous l’impulsion du moment, les questions qu’elle présente. En matière aussi grave, il faut avoir tiré d’avance ses grandes lignes, fixé ses jalons. Il faut savoir d’avance quels principes on prend pour guides, où l’on veut, où l’on peut aller, sauf les modifications que les évènemens et les incidens apportent toujours avec eux. Ce travail tout intérieur et de haute politique est-il fait ? Nous l’ignorons complètement, mais nous devons le croire. Le gouvernement s’est montré tellement pénétré de l’importance et de la gravité de la situation, qu’il y aurait injustice à supposer qu’il est resté dans de vagues généralités, qu’il vit au jour le jour et se laisse pousser par les évènemens et par le bruit public, pour se trouver peut-être un jour, comme à son insu, acculé dans quelque situation intenable. Le jour où tout pourra être dit, le jour où la tribune pourra, sans danger pour la France, retentir des débats solennels sur ces grandes questions, nous sommes convaincus que M. le président du conseil pourra, avec sa parole puissante et lucide, prouver, pièces en main, même aux plus incrédules, que le cabinet n’a pas plus manqué de prévoyance que d’activité.

L’activité du gouvernement pour les préparatifs militaires est un fait trop patent pour être contestable. Sur ce point d’ailleurs nous avons tous droit de surveillance et de contrôle ; car en présence du traité du 15 juillet, il n’y a pas un Français, quelles que soient d’ailleurs ses opinions politiques, qui pût imaginer de laisser la France désarmée. Il n’y a pas un Français qui ne demandât au ministère de mettre sur un pied formidable nos flottes, nos armées, nos places fortes, nos magasins, tout l’état militaire du pays, de nous préparer également à la défense et à l’attaque, dans les suppositions les plus extrêmes ; car nul ne sait ce que peut cacher le traité du 15 juillet, et ce que peuvent amener les évènemens en s’engrenant les uns dans les autres. Encore une fois, c’est ici que le public et la presse sont dans leur droit en tenant, pour ainsi dire, l’épée dans les reins au gouvernement, et en ne lui laissant ni trêve ni repos qu’il n’ait accompli tout ce qu’exigent de lui l’honneur et la sûreté de la France.

Mais aussi est-il juste de reconnaître que l’administration ne laisse rien à désirer sous ce rapport. Le public ne l’ignore pas. L’armée et la marine, les arsenaux et les places fortes ont également attiré l’attention, éveillé la sollicitude du gouvernement. La garde nationale, cette réserve si précieuse, cet auxiliaire si puissant de nos armées, ne tardera pas à voir préparer l’organisation