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JOURNAL D’UN OFFICIER DE MARINE.

de malles, qui emploient ce bois précieux dans la composition des meilleures caisses de voyage que l’on puisse trouver ; les marchands d’habillemens confectionnés, les ferblantiers, enfin toutes les professions ont leur quartier particulier. Nous arrivâmes bientôt à celui des magasins de porcelaines.

Je n’avais pas l’intention de faire des emplettes de ce genre ; mais, quand je vis toutes les merveilles en services de table, en vases de toute espèce, qui se trouvaient étalées dans cette boutique, j’eus toutes les peines du monde à me contenir, et il me fallut livrer de violens combats pour me borner à acheter seulement quelques échantillons des curiosités les plus à la portée de ma bourse. Nous avons certainement en France mieux que tout cela, mais c’est tout autre chose, et la différence de prix est en faveur de la Chine ; la proportion est comme un à dix.

M. Beauvais était venu nous joindre dans ce magasin, et ce fut grace à son extrême habitude des marchés de ce genre, et du baragouin anglais que parlent les marchands, que nous parvînmes à nous débrouiller et à en finir. À ce propos, je dois déclarer que, s’il n’a un excellent cicérone, un étranger ne peut absolument rien acheter à Canton sans être horriblement dupé et volé, parce qu’il ne pourra pas se faire entendre, et qu’il ne saura pas trouver ces marchands riches et favorisés des agens européens, qui ont un prix fixe pour tout le monde et des marchandises de premier choix. Mais, avec un bon conducteur, rien n’est plus commode que d’acheter en Chine ; il fallait avoir autant d’affaires et aussi peu de temps que nous en avions, pour être fatigués de ce métier d’acheteur, car tout consiste à choisir ce que l’on veut : le marchand fait la liste des objets achetés, les met de côté, les emballe avec un soin inconnu en France, les envoie chez vous avec le chop ou permis de la douane (qu’on doit toujours exiger), et on acquitte la facture au porteur. Le plus souvent même on n’a pas besoin de s’occuper de cela : le comprador ou intendant de la maison qu’on habite se charge de recevoir les objets apportés ; il les paie, et prend les chops qu’il garde pour les remettre ensuite à qui de droit au moment d’embarquer les caisses.

En quittant le marchand de porcelaines, nous allâmes chez le marchand de malles de camphre que patronisait Durand ; notre complaisant cicérone était là, nous attendant au passage, et il fit pour

    tion du jeune officier de marine pourra sembler, dans quelques détails, offrir des points d’analogie ; mais nous n’avons pas cru devoir les faire disparaître, les deux récits empruntant à cette circonstance même un nouveau caractère d’exactitude.