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sées nos pères ; il proclame le principe de la conservation des moindres monumens historiques, il défend non-seulement qu’on les détruise, mais qu’en les restaurant on altère leur style et leur caractère. Irait-il donc, violant lui-même les ordres qu’il prescrit, changer ce qu’il doit respecter, rajeunir ce qu’il doit laisser vieillir ? Non, un tel exemple ne sera pas donné par lui ; le dôme des Invalides, au dedans aussi bien qu’au dehors, restera tel qu’il est, tel que le temps et son auteur l’ont légué à notre époque.

Mais alors que faire ?

Tout autre tombeau qu’un tombeau colossal nous semble mesquin et partant impossible.

Tout tombeau colossal placé dans l’intérieur de ce dôme l’écrase et en est écrasé.

Toute tentative de changer la décoration du dôme pour le mettre en harmonie avec le tombeau est déclarée profane et inadmissible.

Comment sortir de toutes ces impossibilités ?

Le moyen est bien simple : il faut sortir du dôme.

Et, en effet, ce n’est pas sous des voûtes, quelque élevées qu’elles soient, ce n’est pas dans l’enceinte d’un édifice, quelle que soit sa grandeur, qu’il vous sera donné d’élever le monument qu’on attend de vous. Ce qu’il faut à votre héros, ce n’est pas une tombe dans une chapelle ; c’est un tombeau qui soit sa chapelle à lui-même, c’est un édifice conçu, bâti, décoré pour lui, pour lui seul, et qu’il remplisse tout entier.

Les cendres de Charlemagne sous la coupole d’Aix-la-Chapelle n’avaient besoin que d’une pierre et d’un caveau : le cénotaphe, c’était l’église elle-même ; Charlemagne l’avait bâtie.

Mais à Rome sous les Césars, mais dans l’Asie antique, quel monarque, quel guerrier illustre reçut jamais les honneurs funèbres dans une demeure qui ne lui fût pas spécialement consacrée ? La sépulture de tout homme puissant était un édifice plus ou moins vaste, quelquefois immense. Aussi nos tombeaux modernes, même les plus riches et les plus grandioses, sont-ils des jouets d’enfant à côté des mausolées de l’antiquité. Sans parler de ces tumulus que les âges héroïques et les premiers siècles des civilisations naissantes ont laissés sur le sol, ouvrages grossiers, mais gigantesques, qui souvent se confondent avec ceux de la nature, nous n’avons qu’à porter les yeux sur les bords du Nil pour nous faire une idée des grandes sépultures antiques. Les pyramides, ces énormes tumulus de pierre, étaient des tombeaux ou plutôt des palais funèbres. Les labyrinthes, ces immenses et fabuleuses constructions, étaient aussi des tombeaux. Les