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tier d’Acradina. Les moines y ont créé un jardin dont la fertilité est remarquable. Le couvent ressemble un peu à une place forte. On y entre par un pont-levis, qui n’était pas une précaution inutile avant notre conquête d’Alger, quand les corsaires barbaresques venaient visiter cette partie de la Sicile. Aujourd’hui encore, les côtes de la Calabre et de la Sicile sont exposées à des dangers de ce genre, et pendant mon dernier séjour à Naples, le jeune roi quitta tout à coup son palais et s’embarqua brusquement sur un bateau à vapeur armé en guerre, pour aller en personne donner la chasse à des corsaires grecs qui s’étaient montrés dans le golfe de Sainte-Euphémie. Au reste, la brillante activité du roi de Naples s’accommode à merveille de ces incidens aventureux.

Les latômies de Syracuse sont immenses ; il s’en trouve dans presque tous les anciens districts situés hors de l’île d’Ortygie. Denys le tyran avait à sa disposition douze prisons qui sont autant de latômies ou passages souterrains. On assure qu’un de ces passages conduisait jusqu’à Ortygie, et qu’un corps de fantassins pouvait y passer debout avec ses casques et ses piques. De ces cavernes, les unes servent aux cordiers pour travailler le chanvre ; d’autres ne sont plus que des fosses ouvertes, au fond desquelles on ne trouve que des pierres et des ronces ; enfin celle dont j’ai parlé, et où les capucins ont élevé leur monastère, est un beau verger souterrain dont les parois ont plus de trente-trois mètres d’élévation ; le sol est couvert de grenadiers, de pampres et d’orangers. Les plus vastes de ces catacombes, parmi lesquelles je compte les Capucins, s’étendent sous le sol d’Acradina, près de la mer, en trois lignes parallèles et semi-circulaires. Celle qui porte le nom de San-Giovanni est une ville tout entière. Les rues, les places, les carrefours de cette nécropole se déroulent sans fin devant vos pas, et vous les parcourez entre deux rangées de niches où sont creusées d’innombrables tombes. Ces tombes se présentent par groupes, et forment des chambres sépulcrales qui appartenaient aux différentes familles. Elles sont sans ornement, taillées dans le roc d’une manière uniforme, et donnent à la fois l’idée de l’ordre et de l’esprit d’égalité qui régnait dans la population de Syracuse. Au-dessous de chacune de ces tombes, le roc a été creusé en arceaux à jour, et les regards peuvent ainsi pénétrer dans la voie sépulcrale qui est parallèle. Toutes sont assez vastes pour laisser passage à une voiture, les voûtes en sont élevées, et les cérémonies religieuses qui y avaient lieu jadis devaient être singulièrement imposantes. À défaut d’ornement architectural, on y voit des inscriptions,