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COLOMBA.

— Orso ! Orso ! par la cassette que je vous ai remise, je vous en supplie, écoutez-moi. Entre vous et les Barricini il y a du sang ; vous n’irez pas chez eux,

— Ma sœur !

— Non, mon frère, vous n’irez point, ou je quitterai cette maison, et vous ne me reverrez plus… Orso, ayez pitié de moi !

Et elle tomba à genoux.

— Je suis désolé, dit le préfet, de voir mademoiselle della Rebbia si peu raisonnable. Vous la convaincrez, j’en suis sûr. Il entr’ouvrit la porte et s’arrêta, paraissant attendre qu’Orso le suivît.

— Je ne puis la quitter maintenant, dit Orso… Demain, si…

— Je pars de bonne heure dit le préfet.

— Au moins, mon frère, s’écria Colomba les mains jointes, attendez jusqu’à demain matin. Laissez-moi revoir les papiers de mon père… Vous ne pouvez me refuser cela.

— Eh bien ! tu les verras ce soir, mais au moins tu ne me tourmenteras plus ensuite avec cette haine extravagante… Mille pardons, monsieur le préfet… Je me sens moi-même si mal à mon aise… Il vaut mieux que ce soit demain.

— La nuit porte conseil, dit le préfet en se retirant, j’espère que demain toutes vos irrésolutions auront cessé.

— Saveria, s’écria Colomba, prends la lanterne et accompagne monsieur le préfet. Il te remettra une lettre pour mon frère.

Elle ajouta quelques mots que Saveria seule entendit.

— Colomba, dit Orso lorsque le préfet fut parti, tu m’as fait bien de la peine. Te refuseras-tu donc toujours à l’évidence ?

— Vous m’avez donné jusqu’à demain, répondit-elle. J’ai bien peu de temps, mais j’espère encore.

Puis elle prit un trousseau de clés et courut dans une chambre de l’étage supérieur. Là on l’entendit ouvrir précipitamment des tiroirs et fouiller dans un secrétaire où le colonel della Rebbia enfermait autrefois ses papiers importans.

XIV.

Saveria fut long-temps absente, et l’impatience d’Orso était à son comble lorsqu’elle reparut enfin tenant une lettre, et suivie de la petite Chilina qui se frottait les yeux, car elle avait été réveillée de son premier somme.