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ESPARTERO.

sentielle aux deux partis que leur signification intérieure, et que rien ne pourra détruire tant qu’ils dureront. D’abord, le premier noyau du parti modéré a été composé d’hommes compromis dans l’administration impériale française, et qui sont connus pour ce fait en Espagne sous le nom d’Afrancesados. Ensuite, le moment où s’est formé ce parti a coïncidé avec les premières années de la révolution de juillet, époque où la France, se modérant elle-même au milieu d’un ébranlement formidable, a donné à toutes les révolutions du monde l’exemple de la réflexion et de la sagesse après l’entraînement et le combat. Il est désormais dans la nature même de l’esprit français, rentré dans ses voies après bien des secousses et ramené au vieux bon sens gaulois par l’expérience, de sympathiser avec tout ce qui est raisonnable et sensé, et d’attirer à lui, de tous les points du monde, les intelligences droites et calmes, qui répugnent à la fois à tous les extrêmes.

En même temps que les modérés tendaient vers la France, les exaltés se tournaient vers l’Angleterre. Il est de la politique traditionnelle de l’Angleterre d’être en Espagne unie à tout ce qui peut combattre l’influence française, et cette raison aurait suffi, à défaut d’autres, pour donner aux exaltés l’appui des Anglais ; mais il y avait d’autres raisons encore. Moitié par bonne foi, moitié par machiavélisme, les Anglais ont toujours eu pour principe de soutenir dans les pays où ils ne dominent pas absolument les partis les plus libéraux. Leur nation s’honore avec raison d’avoir la première donné au monde ce spectacle de la liberté moderne, il est tout simple qu’ils prétendent à se donner partout pour les défenseurs nés de la liberté. Puis, comme leur but est toujours au fond d’établir en tout lieu leur ascendant et d’ouvrir de nouveaux débouchés à leur infatigable commerce, ils trouvent plus de facilités pour pénétrer dans les peuples et pour contenir les gouvernemens, en venant au secours des mécontens et en prolongeant les dissensions intestines. Cette conduite, qui satisfait à la fois leurs intérêts et leurs idées, est celle qu’ils ont naturellement adoptée en Espagne, et l’on a vu long-temps un ambassadeur anglais à Madrid se faire le centre des complots des exaltés, comme on voit encore aujourd’hui des agens anglais se répandre partout dans la Péninsule et y propager les mêmes opinions.

Tel est l’état véritable de l’Espagne constitutionnelle. D’un côté, les modérés, la reine, les sympathies pour la France ; de l’autre, les exaltés, les sociétés secrètes, l’impulsion anglaise. Chacun des deux partis a dû, comme on pense bien, faire de grands efforts pour se