Ceci nous prouve que Mme de Longueville, qui avait tant de rapports en délicatesses et démangeaisons d’esprit avec Mme de Sablé, était bien différente d’elle en ce point ; Mme de Sablé aimait et suivait les dissertations, et en était bon juge ; mais Arnauld n’aurait pas eu l’idée de faire lire la Logique de Port-Royal à Mme de Longueville, pour la divertir et tirer d’elle un avis compétent.
Elle était proprement de ces esprits fins que Pascal oppose aux esprits géométriques, de ces « esprits fins qui ne sont que fins, qui, étant accoutumés à juger les choses d’une seule et prompte vue, se rebutent vite d’un détail de définition en apparence stérile, et ne peuvent avoir la patience de descendre jusqu’aux premiers principes des choses spéculatives et d’imagination, qu’ils n’ont jamais vues dans le monde et dans l’usage. »
Mais, géométrie à part, l’usage même, le monde et son coup d’œil, sa finesse et ses élégances, le sang de princesse dans toutes les veines, une ame féminine dans tous ses replis, cette vocation, ce point d’honneur de plaire qui est déjà une victoire, de belles passions, de grands malheurs, une auréole de sainte en mourant, l’entrelacement suprême autour d’elle de tous ces noms accomplis de Condé, de La Rochefoucauld et de Port-Royal, cela suffit à composer à Mme de Longueville une distinction durable, et lui assure dans la mémoire française une part bien flatteuse, que nul renom d’héroïne ne surpasse, que nulle gloire, même de femme supérieure, n’effacera. Que dirai-je encore ? si du sein du monde sérieux, où elle est entrée, elle pouvait sourire à l’effet, au charme de son nom seul sur ceux qui la jugent, elle y sourirait.