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vieux jours dans une nouvelle lutte contre la France. Une fois, dans ses jeunes années, il avait cédé à l’entraînement des passions guerrières, et il avait compromis son trône et sa monarchie ; le souvenir de cette faute et de ses conséquences était toujours présent à sa pensée, et fortifiait ses inclinations naturellement pacifiques. Il s’attacha au système de paix, comme au seul qui fût capable de préserver le continent d’une subversion totale. Il s’appliqua, comme toujours, à tenir la balance entre les deux forces qui se partagent l’Europe. Il resta fidèle aux principes de l’alliance qui l’unissait depuis vingt-sept ans à l’Autriche et à la Russie. Il s’entendit avec la première pour dicter de nouveau à la diète des résolutions destinées à comprimer en Allemagne l’esprit de révolution. Dans la guerre de Pologne, il servit la cause des Russes avec un dévouement qui eut, il faut le dire, tous les caractères d’une coopération matérielle. Mais en même temps on le vit annoncer, proclamer en toute occasion sa détermination formelle de profiter de la position centrale de ses états pour empêcher qu’on n’attaquât la France. Plus qu’aucun des souverains du continent, il contribua à faire résoudre d’une manière pacifique la question belge. Lorsqu’au mois d’août 1832, la France fit le siége d’Anvers, il en ressentit un vif déplaisir, et il était impossible qu’il en fût autrement ; cependant il ne dévia pas un moment de la ligne qu’il avait adoptée.

Par cette politique ferme, il a déjoué tous les projets de collision, de quelque part qu’ils vinssent, et assuré la paix générale ; ce système n’a pas cessé, depuis 1830, de dominer toutes les modifications de son cabinet. Le roi s’est appliqué avec ce zèle de conciliation, qui a toujours été un des penchans de sa politique, à adoucir l’amertume des sentimens qu’avait fait naître dans les cours de Pétersbourg et de Vienne notre révolution, n’usant de sa haute influence sur ses alliés que pour les modérer, dissiper leurs préventions, et les disposer à une appréciation plus exacte des hommes et des choses.

Lorsque l’affermissement de la monarchie de juillet eut justifié les prévisions de ce prince, il prit vis-à-vis d’elle une attitude pleine de bienveillance et de véritable amitié. Bien loin de partager les méfiances de la Russie contre notre alliance avec l’Angleterre, il l’a vue se consolider avec une satisfaction véritable, comme la combinaison la plus propre à assurer le repos du monde. Dans une occasion récente, quand de graves dissentimens, envenimés par la Russie, furent sur le point de dissoudre cette alliance, Frédéric-Guillaume ne dissimula ni les regrets qu’il en ressentait, ni ses vœux pour que ces nuages