Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/398

Cette page a été validée par deux contributeurs.
394
REVUE DES DEUX MONDES.

à l’Angleterre par le traité de Reichenbach ; le 9 septembre, il conclut à Tœplitz une triple alliance avec la Russie et l’Autriche, qui stipulent que les monarchies autrichienne et prussienne seront reconstruites dans les proportions qu’elles avaient avant leurs désastres ; le 1er mars 1814, il signe encore avec l’Autriche, l’Angleterre et la Russie le traité de Chaumont, qui pose les bases de la nouvelle organisation de l’Europe. Napoléon succombe et abdique, et les souverains qui l’ont vaincu s’assemblent à Vienne pour se partager ses dépouilles.

Ce que Frédéric-Guillaume et M. de Metternich avaient redouté, et ce que, dans leurs sages prévisions, ils eussent voulu prévenir, ne s’était que trop réalisé. La Russie avait exploité à son profit l’exaltation des populations germaniques ; elle s’en était servie comme d’un levier, non pas seulement pour abattre Napoléon, mais pour faire la loi à ses propres alliés. C’est elle qui, au congrès de Vienne, présida en arbitre suprême au partage des territoires devenus la proie des vainqueurs.

La plus importante des questions qui furent agitées à ce congrès fut celle de la reconstruction de la Prusse. Dans le projet de pacification générale que M. de Metternich avait remis au duc de Vicence, à Prague (août 1813), et que l’empereur Napoléon eut le tort d’accepter trop tard, le grand duché de Varsovie était partagé entre la Russie, l’Autriche et la Prusse : la Vistule devenait la limite de la Russie du côté de l’Allemagne. Les évènemens ayant donné à cette dernière puissance une prépondérance écrasante, elle exigea la réunion à ses états de la plus grande partie du duché de Varsovie, qui avait formé dans le second et le troisième partage de la Pologne le lot de la Prusse, en sorte que cette dernière puissance se vit obligée de chercher en Allemagne et sur le Rhin la compensation de ce qu’elle perdait sur la Vistule. Elle demanda que la Saxe entière fût incorporée à son territoire. C’est alors que la France éleva la voix pour sauver une maison dont le crime était de lui être restée fidèle dans ses malheurs comme dans sa prospérité. Elle rallia à son opinion l’Autriche et l’Angleterre, et conclut avec elles le traité d’alliance du 6 janvier 1815, dont le but était moins encore d’empêcher la spoliation de la Saxe que de combattre l’ascendant funeste de la Russie. Les ratifications du traité du 6 janvier n’avaient pas encore été échangées lorsque la nouvelle arriva à Vienne que Napoléon avait quitté l’île d’Elbe, touché terre au golfe Juan, et qu’il marchait sur Paris. La frayeur fit dans cette occasion ce qu’elle fait toujours ; elle mit fin aux dissidences et rallia