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mandant militaire de Berlin ; Delbruck, chargé de l’éducation du prince royal ; Krockberg, Märkel, Rüdiger, Gneisnau, tous officiers-généraux ou conseillers d’état. Mais Stein avait compris que, pour passionner les masses et les disposer à sacrifier leur vie, leur fortune à la patrie, il ne suffisait pas de recourir aux excitations mystiques des sociétés secrètes, qu’il fallait les attacher au gouvernement par le lien des intérêts, et il se jeta hardiment dans la voie des grandes réformes. Par une loi du 9 octobre 1807, il abolit le vasselage et la glèbe, et en général toutes les juridictions héréditaires. Les bourgeois et les paysans eurent le droit, jusqu’alors réservé aux nobles, d’acquérir des biens-fonds ; ils purent acheter les terres de la noblesse, qui obtint à son tour la faculté de se livrer, sans déroger, au commerce et à l’industrie. Une autre loi, datée du 21 juillet 1808, compléta l’émancipation des paysans, en assurant leur sort : tout vassal héréditaire devint propriétaire légal des deux tiers du domaine exploité par lui ; le dernier tiers forma le lot du seigneur. Les fermiers à vie ou à bail limité n’eurent que la moitié ou un tiers de la propriété qu’ils cultivaient.

Stein fit plus encore ; il établit sur une base large et libérale le système des municipalités électives. Les citoyens des villes, sans distinction de naissance et de religion, eurent le droit d’élire leurs magistrats.

Le grand Frédéric avait divisé la nation en trois classes : les nobles, les bourgeois et les paysans ; les places d’officiers dans l’armée étaient exclusivement réservées à la noblesse. Stein et tous les hommes éclairés attribuaient à ces funestes distinctions de classes l’espèce d’indifférence avec laquelle la bourgeoisie et le peuple avaient assisté, en 1806, à la catastrophe de la monarchie. Toutes ces démarcations injurieuses, débris d’un système barbare et offensant pour les droits de l’humanité, furent effacées. Une loi du mois d’août 1808, et une autre de 1809, ouvrirent aux bourgeois et aux paysans la carrière des honneurs militaires ; tous purent arriver, avec du courage et du talent, aux grades les plus élevés. L’organisation de l’armée fut entièrement refondue : le ministre de la guerre Scharnoost emprunta à la France ses principes et son système de recrutement, et s’occupa de donner à la Prusse une armée nationale ; un ordre secret fut envoyé dans toutes les communes, d’exercer la jeunesse aux manœuvres militaires, en la laissant dans ses foyers jusqu’au jour où le gouvernement l’appellerait sous les drapeaux. Par cette combinaison habile, la Prusse trouva le secret d’éluder la stipulation flétrissante du traité