Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.
351
REVUE. — CHRONIQUE.

garantie par la charte sont convaincus que nul ne songe à lui contester ses droits, et que les mots de transaction, de conciliation, de conciliation équitable, honorable, n’expriment pas des faits impossibles.

Deux évènemens ont signalé cette quinzaine. L’un est accompli, l’autre ne tardera pas à l’être. Nous voulons parler de l’arrangement conclu, sous la médiation de la France, entre l’Angleterre et Naples, et de la pacification de l’Espagne.

Notre intervention dans la querelle de l’Angleterre avec Naples est un évènement notable. Non-seulement il témoigne de l’intimité de nos liaisons politiques avec l’Angleterre, et de l’importance que notre allié y attache, mais il fait sentir l’influence française, et honore le nom de la France dans la péninsule italienne. Il doit produire des effets plus durables que la prise d’Ancône, coup de main hardi, mais dont les conséquences politiques s’affaiblissaient nécessairement de jour en jour. Dans la situation politique que les traités de 1815 avaient faite à l’Europe, la médiation entre l’Angleterre et Naples aurait été dévolue à l’Autriche, qui évidemment avait voulu se réserver la haute-main sur toutes les parties de l’Italie qu’elle n’avait pas réunies à ses états, à l’Autriche, qui à deux reprises n’avait pas hésité à envahir ceux des états italiens qui avaient tenté de se reconstituer selon les idées modernes. Notre royauté de juillet a su, sans se départir de son système, sans altérer ses relations amicales avec les autres puissances, reprendre en Italie le rôle qui lui appartient, et en prévenant une lutte entre Naples et l’Angleterre, une lutte qui pouvait avoir de singulières conséquences, elle a montré à l’Europe qu’elle sait concilier ce qu’elle doit à la dignité, à la grandeur et aux intérêts de la France, avec le respect des traités et le maintien de la paix européenne. Tout en faisant cesser son grave différend avec l’Angleterre, le royaume de Naples établira des relations commerciales plus régulières et plus intimes avec la France. La navigation à vapeur rapprochera de plus en plus le golfe de Naples du golfe de Lyon, et un commerce, que le monopole n’entravera plus, resserrera les liens qui unissent les deux pays. Naples, par ses institutions, ses lois, son administration, est l’image vivante, si ce n’est de la France d’aujourd’hui, du moins de la France impériale.

Mais si les résultats de la médiation sont à la fois utiles et également honorables pour l’Angleterre, pour le royaume de Naples, pour la France, toujours est-il que ces résultats n’étaient pas faciles à obtenir. Il n’est pas facile d’être médiateur impartial, équitable, entre deux puissances si inégales, entre le fort et le faible, lorsque le premier se croit profondément blessé dans ses droits, lorsque le second a le juste sentiment que sa faiblesse elle-même doit le rendre d’autant plus délicat sur la question d’honneur et de dignité, que sa condescendance pourrait être interprétée comme un acte de soumission.

M. Thiers a prouvé qu’il n’est pas moins habile dans le cabinet qu’à la tribune. Tous les intérêts légitimes ont été conciliés, toutes les convenances ont été respectées dans le conclusum accepté par les plénipotentiaires anglais et napolitain.