Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/317

Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
WALTER RALEIGH.

à l’air, ce qui, dirent-ils, pourrait lui coûter la vie. Ils écrivirent leur déclaration, que Manouri signa avec eux…

« … Un jour, Raleigh, se trouvant seul dans son cabinet avec Manouri et se promenant en chemise de long en large, se mit à se regarder dans la glace, et lui dit tout bas : « Comme nous rirons un jour de nous être si bien moqués du roi, du conseil, des docteurs et des Espagnols ! »

« Le 1er  août, le roi arriva à Salisbury. Raleigh, qui s’attendait à être bientôt conduit à Londres, avait de son lit, par l’intermédiaire de Manouri, écrit différentes lettres et pris des mesures pour sa fuite. Comme il pensait que son chirurgien lui était dévoué, il n’hésita pas de se découvrir entièrement à lui, et lui fit de nouvelles promesses, s’il voulait continuer à le servir. Manouri, qui craignait les suites de la fuite du chevalier, feignit d’entrer dans ses vues. Celui-ci lui confia alors les détails de ses préparatifs. Le capitaine Ring était chargé de tenir à sa disposition, près de Gravesend, une barque louée, et de venir le chercher dans un petit bateau. Pour cela, il était nécessaire que Raleigh changeât de logement ; il désirait être transféré dans sa propre maison. De là, il pensait pouvoir facilement échapper par une porte secrète à la vigilance de Stuckley. Manouri promit de le seconder. Il ajouta qu’il pensait que l’apologie que le chevalier avait envoyée au roi et au parlement suffirait pour le mettre à l’abri des poursuites. À cela, sir Walter répliqua : « Ne m’en parlez pas ; un homme qui tremble pour sa vie n’est jamais tranquille. »

« La demande de Raleigh, qui désirait se faire soigner dans sa propre maison, lui fut accordée, à la sollicitation de quelques amis. Manouri, en l’apprenant, chercha à le tranquilliser, et lui dit : « Le roi, qui vous a fait cette grace, a clairement montré par-là qu’il ne veut pas votre ruine. » Mais le chevalier, secouant la tête, répondit : « Je n’ai pas de confiance. On a tout employé pour attirer le duc de Biron à la cour, et une fois là, sa tête est tombée. Je suis certain qu’ils sont convenus qu’il serait plus utile pour l’intérêt de l’état de faire mourir un seul homme que de détruire les rapports commerciaux et les traités avec l’Espagne, rompus par cet homme. Le sang d’un homme ferait marcher le commerce… »


L’audace de Raleigh, ses ruses, ses menaces, commencèrent à effrayer Manouri. Quand Raleigh vit son confident ébranlé, il résolut de se fier à Stuckley. Ce dernier fit semblant de se laisser corrompre, et Raleigh fut perdu.