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chercher à finir, apprends à ébaucher. — La réplique du grand artiste à Vasari, qui se vantait, en lui montrant un de ses tableaux, d’y avoir mis peu de temps, s’appliquerait avec un égal à propos, aux prétentions de quelques-uns de ces ouvriers faciles. — Cela se voit ! pourrions-nous dire comme lui ; en effet, cela se voit beaucoup trop.

En France, la décadence de la statuaire s’annonce, comme chez les Romains et les Grecs, par l’invasion du grotesque ; l’apparition d’une armée de statuettes, où l’incorrection le dispute au ridicule et au mauvais goût, a perverti l’art en le popularisant. En Italie, cette décadence est amenée par l’abus de la facilité gracieuse et par le lâché habile. On adopte certaines formes de beauté conventionnelle, et pour simplifier les lentes études du modelé, on met de côté la nature, et l’on donne à toutes les formes quelque chose de souple et d’arrondi qui séduit le vulgaire, mais qui s’éloigne autant de l’idéal que de la vérité. Enfin on néglige absolument les détails, qui sont laissés et non cherchés, et qui, selon que l’artiste veut être gracieux ou énergique, semblent faits au moule ou à l’emporte-pièce.

Apelles disait qu’il avait un grand avantage sur Protogène, celui de savoir le moment où il fallait quitter son ouvrage. Les statuaires italiens, qui travaillent le marbre avec une si merveilleuse facilité, ne nous paraissent, eux, préoccupés que d’une seule idée : c’est de quitter leur ouvrage non pas quand il le faudrait, mais le plus vite qu’ils peuvent.


Frédéric Mercey.