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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ITALIE.

Leurs ouvrages, cependant, ne sont pas toujours dégagés de certaines recherches dont Canova ne leur avait jamais donné l’exemple, et qu’on pourrait regarder comme des tentatives de retour vers l’école du siècle précédent ; ces tentatives, que nous ne regardons toutefois que comme des caprices, sont surtout sensibles dans leur façon de faire serpenter la ligne et flamboyer le contour. Il est tel de leurs bas-reliefs qui n’est pas non plus exempt de ce goût prétentieux, et l’on y retrouve quelquefois de ces recherches d’effet et de perspective que nous condamnions tout à l’heure. Nous nous rappelons particulièrement de grandes fabriques, vues d’angle, que Tenerani a placées dans l’une de ses compositions les plus considérables (non pas le bas-relief d’Eudore, qui, sous ce rapport, est irréprochable). Les lignes de ces fabriques qui fuient sont, sans nul doute, habilement dégradées, et cependant elles ne s’enfoncent pas au centre de la composition comme l’auteur l’aurait voulu. La dégradation des couleurs peut seule exprimer parfaitement cet effet, et c’est dans ces parties de l’art que la peinture a le pas sur la sculpture. Cette remarque confirme ce que nous avons dit plus haut, et prouve que toute recherche d’effet, de perspective ou de clair-obscur, sur une surface plane et de même couleur, ne peut aboutir qu’à des résultats incomplets. La perspective aérienne ne venant point en aide à la perspective linéaire comme dans la peinture, l’artiste se trouve avoir fait tout au plus une démonstration de perspective et nullement avoir fait de la perspective. Il faut donc laisser la sculpture du bas-relief en perspective au Bernin et à son école, qui essaya même de l’architecture en perspective, comme on peut le voir dans les singulières fenêtres de l’escalier du Vatican.

MM. Bartolini et Tenerani ont tous deux un assez beau talent pour avoir fait école ; nous avons vu un grand nombre d’ouvrages sortis de l’atelier de leurs élèves, mais, il faut le dire, la plupart de ces ouvrages nous ont paru d’une rare et désespérante médiocrité, et, ce qui est pis, d’une médiocrité léchée. On pourrait répéter à ces messieurs ce que Michel-Ange disait à Jean de Bologne : — Avant de

    moyens que la sculpture pour montrer tous les aspects de la nature dans une seule vue ! » (Vasari, Vie de Giorgione.)

    Très ridicule imagination, dirons-nous, et qui ne peut avoir pour résultat qu’un très désagréable tableau. Le peintre, d’ailleurs, n’avait nullement atteint son but, car il ne nous avait montré que quatre des aspects de la nature, et non pas tous ses aspects. Un tableau ne peut avoir qu’un seul point de vue, une statue a autant de points de vue qu’il y a de points dans l’espace.