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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ITALIE.

populaires. L’une d’elles, l’Espérance en Dieu, a été copiée mille fois en marbre et en bronze, et, reproduite par le moule, on la rencontre dans toute l’Europe. L’Espérance en Dieu de Bartolini est figurée par une jeune fille à genoux, les mains jointes et les yeux levés au ciel. L’idée, comme on voit, n’a rien que de fort ordinaire ; mais l’artiste a rendu avec un singulier bonheur, dans chacune des parties de cette jolie statue, le passage de l’enfance à l’adolescence. La pose d’ailleurs a un grand charme dans sa parfaite simplicité, et l’expression du visage est tout-à-fait angélique ; on dirait une statue de Canova, mais les formes en sont moins rondes et en même temps moins grêles.

On peut voir à Paris, dans la charmante collection de M. Portalès, une autre statue de Bartolini, qui serait la meilleure et la plus gracieuse de ses productions, si les jambes étaient plus correctes : c’est la statue d’un jeune vendangeur. Bartolini a bien senti les défauts de cette statue, car il en achève une copie dans laquelle il s’est efforcé de les corriger. « Je donnerais tout au monde pour que celle-là fût plus parfaite que celle de Paris, nous dit-il. — Et pourquoi ? Pour faire niche à M. Portalès, dont je ne suis pas content. » Qui a pu causer ce mécontentement de l’artiste ? Bartolini nous l’a laissé ignorer.

Sa statue de la Junon, destinée à servir de pendant à cette adorable statue de la princesse Pauline, « faite par un temps chaud, » comme le disait ingénuement l’aimable princesse quand on s’étonnait de sa complète nudité, est une œuvre à peu près manquée. Cette statue est couchée sur l’un des côtés, comme celle de Canova ; mais l’ensemble en est médiocre et prétentieux : le bras levé est détestable, le ventre est pauvre, flasque et d’une vérité par trop vulgaire ; c’est une femme qu’une couche a maigrie et déformée, et qui semble avoir fait le pari de tenir le plus long-temps possible le bras levé, le reste du corps étant couché.

Les biographes du Barroche nous racontent que ce peintre ne manquait jamais de demander au modèle qui posait devant lui s’il se trouvait bien à son aise, l’aisance lui paraissant inséparable de la grace. Je doute fort que Bartolini ait jamais fait pareille question au modèle de la Junon, qui n’aurait pas manqué de lui répondre : « Cette hanche sur laquelle tout le corps pose me fait un mal horrible, et, s’il faut que je tienne une minute de plus mon bras levé et tendu de cette façon, je vais m’évanouir.

Bartolini terminait, en même temps que la Junon, un grand tom-