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qu’à ses heures et paraît plus glorieux de ses élèves que de ses ouvrages. Fraccaroli, de Vérone, et Ferrari, de Venise, sont les plus distingués de ces jeunes sculpteurs ; ce sont eux qui chaque année peuplent les salles du musée Bréra. Fraccaroli, l’auteur d’Achille blessé, de Clytie, de Cyparisse et d’une fort belle statue d’Ève, promet de devenir un statuaire fort remarquable, et, tout jeune qu’il est, se montre peut-être supérieur au vieux Pompeo. En lui et en son émule Ferrari repose l’espoir de la sculpture en Italie, c’est du moins ce que répètent tous ceux qui s’occupent d’art de Venise à Milan.

Bartolini est de cette vieille race de sculpteurs italiens dont le ciseau fécond a créé des armées de statues. Il se distingue en cela des sculpteurs de l’école florentine, toujours si sobre et si sévère, Jean de Bologne excepté. Son atelier est un véritable musée ; les projets de monumens, les bas-reliefs, les groupes et les statues à l’état d’ébauches, les bas-reliefs, les groupes et les statues achevés y sont en grand nombre, et les bustes s’y comptent par centaines. Toutes les célébrités européennes de l’époque semblent s’y être donné rendez-vous ; l’Allemagne, l’Angleterre, la Russie et la France y ont d’illustres représentans. Lors de la visite que nous lui fîmes, Bartolini terminait en marbre les bustes du maréchal Maison, de la princesse Mathilde, fille du roi Jérôme, de Mme Thiers, du duc de Sutherland et de plusieurs autres personnages de l’aristocratie anglaise, et il achevait les ébauches de Liszt et de Mme d’Agout, déjà frappantes de ressemblance.

Bartolini excelle à représenter des affections morales ; il fait surtout vivre ses personnages par la pensée. Il s’attache aux moindres particularités qui peuvent lui faire connaître à fond le caractère de l’homme qui va poser devant lui, et il ne se met à l’ouvrage que lorsqu’il a achevé cette première étude morale qu’il regarde comme indispensable. Je l’ai vu entrer à ce sujet dans des détails singuliers, en apparence fort minutieux, et dont lui seul pouvait comprendre l’importance. L’exécution des bustes de Bartolini est large, facile et parfaitement vraie. Il sait faire la chair, ce que Pampaloni, son rival de Florence dans la sculpture des bustes, paraît absolument ignorer. Il y a cent palmes de différence entre Bartolini et Benvenuti, et c’est en comparant leurs productions que l’on voit sur-le-champ de combien la sculpture l’emporte en Italie sur la peinture. La jeune école pourra seule remettre les choses sur le pied d’égalité quand elle aura produit et se sera fait accepter.

Quelques-unes des nombreuses statues de Bartolini sont devenues