Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ITALIE.

dité, ni de science ; la connaissance approfondie des ressources et des secrets du métier leur a été transmise traditionnellement, et cependant ce sont plutôt des ouvriers savans que des génies supérieurs. S’ils plaisent, c’est moins à la sublimité de leurs conceptions qu’à d’ingénieuses combinaisons et à d’heureux tours d’adresse qu’il faut attribuer leur succès.

Prenons pour exemple la restauration ou plutôt la reconstruction de Saint-Paul-hors-des-Murs : c’est l’ouvrage capital du moment.

On sait que cette vieille basilique, dont Constantin avait jeté les fondemens et qu’Honorius avait achevée, fut détruite par un incendie, le 25 juillet 1823, la veille de la mort du pape Pie VII. Cent trente-deux colonnes soutenaient, non pas la voûte, mais la charpente de cèdre qui portait le toit de l’église. Quatre rangées de vingt colonnes chacune divisaient la basilique en cinq nefs ; les quarante colonnes de la nef centrale étaient les plus précieuses. Vingt-quatre de ces colonnes provenaient du mausolée d’Adrien, aujourd’hui château Saint-Ange ; chacune d’elles était formée d’un seul bloc de marbre violet d’Afrique. Le malheur a voulu que la charpente enflammée de la toiture, en s’abîmant, ait justement rempli cette nef du milieu et une partie des nefs latérales. L’ardeur d’un pareil foyer calcina et fit éclater ces belles colonnes. Celles qui décoraient les nefs latérales souffrirent également ; la plupart, quoique fendues du haut en bas, étaient restées debout comme par miracle ; l’église ne présentait plus qu’une masse de ruines, mais l’ensemble de ces ruines était des plus imposans. On eût pu déblayer l’édifice des cendres et des débris de charpente qui l’encombraient, laisser debout ces colonnes à demi rompues à travers lesquelles on entrevoyait des pans de murs démantelés et toute la tribune revêtue de mosaïques gigantesques que l’incendie avait respectées. On aurait eu ainsi une ruine chrétienne de l’effet le plus sévère et le plus grandiose, une digne rivale des ruines païennes de la vieille Rome ; on a mieux aimé tout abattre pour tout reconstruire, la tribune seule est restée dans son état primitif. Cette réédification d’une église tout-à-fait inutile et située dans une plaine empestée par le mauvais air n’est pas heureuse[1]. Les vénérables mosaïques de la tribune (elles dataient de 440), légèrement altérées par la flamme, ont été remises entièrement à neuf, et ont pris une fraîcheur et une

  1. Pendant l’été, on n’y laisse qu’un seul moine pour gardien ; cet homme communie et se confesse comme un condamné à mort. Rarement il passe la saison.