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d’un véritable gouvernement et d’une véritable armée. De tous côtés affluaient vers lui Espagnols et étrangers ; peu instruit des choses militaires et administratives, il eut du moins le bon sens de suivre les conseils de ceux qui avaient l’expérience de ces matières. Des officiers instruits, Français pour la plupart, furent préposés par lui à l’instruction de ses troupes. Il fit établir à Cantavieja une fonderie de canons, sous la direction d’un nommé Etchevaster, qui lui avait été envoyé par don Carlos ; on y fondait les canons à la manière des cloches, et on obtenait ainsi de fort bonnes pièces. Des fabriques de poudre et d’armes furent montées à Mirambel, à Morella même, et dans la plupart des villages du Maestrazgo. Des fortifications furent ajoutées à celles qui existaient déjà dans tout le pays.

Les christinos voyaient avec impatience ces travaux d’organisation, et ne songeaient qu’à reconquérir la position qu’ils avaient perdue par une surprise. Leur tentative ne fut que l’occasion d’un nouveau succès pour Cabrera.

Ce fut vers la fin du mois de juillet 1838 que le général Oraa, à la tête de l’armée constitutionnelle du centre, se mit en marche sur Morella. Ses forces étaient d’environ vingt mille hommes, divisés en trois corps. Le premier, que commandait Aspiroz, aborda les montagnes du Maestrazgo au nord par Alcaniz ; le second, sous les ordres de Van Halen, se réunit à Téruel vers l’ouest ; le troisième, que conduisait le brave général Pardiñas, prit position au sud-est, à Castellon de la Plana.

Ces trois colonnes, qui occupaient les trois pointes d’un triangle dont Morella était le centre, reçurent l’ordre de se porter en même temps sur Morella et les forteresses voisines. Ce mouvement s’exécuta avec précision, mais avec une extrême lenteur. Quand une des colonnes était arrêtée dans sa marche par les travaux que Cabrera avait fait construire en avant des villages qu’elle rencontrait, les deux autres en étaient aussitôt instruites avec ordre de ralentir leur mouvement, tant on mettait de soin et de crainte à bien entourer dans son fort cet ennemi si redouté. On perdit ainsi beaucoup de temps à s’attendre les uns les autres, et les munitions rassemblées à grands frais diminuèrent d’autant.

De son côté, lorsqu’on lui annonça l’approche d’Oraa, Cabrera avait laissé dans la place ses meilleurs soldats pour la défendre, et en était sorti avec un corps de trois mille hommes pour tenir la campagne. Il occupa avec cette troupe les hauteurs qui entourent Morella, et quand les christinos y pénétrèrent, il les harcela de toute sorte, en se jetant