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REVUE. — CHRONIQUE.

en amendant le budget, seul moyen qu’elle aurait de contraindre la chambre des députés à reprendre ses séances, elle fait naître entre deux grands pouvoirs de l’état une de ces luttes qui ne se justifient que par une nécessité extrême.

Sans doute c’est là le summum jus, et la chambre des pairs ne devrait pas hésiter à l’appliquer le jour où il lui serait démontré que c’est là le seul moyen de rétablir l’équilibre. Il serait alors par trop indigne de la chambre de borner son ressentiment à des complaintes annuelles, complaintes que leur retour périodique et toujours inefficace ne tarderait pas à rendre complètement ridicules.

Heureusement il est plus d’un moyen que le ministère peut employer pour rendre aux travaux des deux chambres leur cours simultané et régulier, et il n’est pas douteux pour nous que le cabinet ne cherche sérieusement, dès la session prochaine, à résoudre la difficulté.

On peut facilement distribuer le travail entre les deux chambres d’une manière plus égale.

Il y a lieu d’examiner si l’on ne pourrait pas changer l’année financière de manière que les chambres pussent au besoin ne délibérer définitivement sur le budget présenté dans le cours de la session qu’au commencement de la session suivante.

Il y a aussi lieu d’examiner s’il est indispensable de persévérer dans l’usage de présenter les budgets de tous les ministères dans une seule et même loi.

Nous ne voulons rien affirmer. Ces expédiens exigeraient dans nos rouages administratifs, et peut-être aussi dans les règlemens des chambres, des modifications qu’il serait par trop présomptueux d’indiquer ici ; elles ne peuvent être que le résultat de sérieuses méditations, d’études approfondies.

Ajoutons seulement que, sur la distribution du travail, il a été énoncé dans les discussions de la chambre des pairs une opinion qui nous paraît excessive.

On a dit que l’article de la charte portant que toute loi d’impôt doit être d’abord votée par la chambre des députés, ne s’appliquait qu’aux lois dont le but direct est l’établissement d’un impôt ; qu’ainsi on aurait pu présenter d’abord à la chambre des pairs la loi sur les paquebots transatlantiques, ou toute autre loi prescrivant une dépense. À l’aide de cette interprétation, on pourrait aller jusqu’à soutenir que la loi capitale du budget, la loi des dépenses, peut être portée directement à la chambre des pairs.

L’interprétation nous paraît forcée. L’état n’a pas chez nous deux moyens de subvenir à ses dépenses. Qui dit dépense dit impôt, impôt qu’on établit, qu’on augmente ou qu’on ne diminue pas. — D’un autre côté, il est également vrai que ce serait donner à l’article de la charte un sens trop large que de l’appliquer indistinctement à tout projet de loi pouvant impliquer une dépense. La chambre des pairs a plus d’une fois voté la première des lois de ce genre, et nul n’a révoqué en doute la légalité de son vote. Il y a là une juste ligne de démarcation à tracer.

Mais sans entrer ici dans le fond de la question, sans vouloir scruter la