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croire à la réalisation prochaine de ce rêve tant et si vainement poursuivi : l’unité de l’Allemagne.

Le génie de Napoléon ne se démentit pas pendant la campagne de 1813, et cette guerre se serait sans doute terminée à son avantage, s’il n’avait eu à combattre que des armées et non une nation ; mais l’exaspération des populations contre lui était un puissant auxiliaire pour ses ennemis ; elle rendait ses victoires à peu près inutiles et donnait une grande importance aux moindres revers de ses lieutenans. Ce fut en vain qu’il battit les alliés à Lutzen et à Bautzen, et qu’il les poussa, l’épée dans les reins, depuis les bords de la Saale jusqu’en Silésie : l’Autriche, entraînée par le mouvement universel, se déclara contre lui, apportant à la coalition deux cent mille hommes de bonnes troupes, et un immense effet moral. La victoire de Dresde n’empêcha pas la Bavière de se joindre à son tour à cette ligue, et il est probable que la bataille de Leipzig gagnée par Napoléon n’eût fait que retarder de quelque temps la délivrance de l’Allemagne ; mais cette sanglante mêlée de trois jours, où la supériorité du nombre et la trahison des Saxons donnèrent la victoire aux alliés, décida la retraite de l’armée française : encore les Bavarois voulurent-ils lui fermer le chemin, et fut-elle obligée, pour regagner le Rhin, de remporter à Hanau une dernière victoire. Ce fut le 2 novembre que Napoléon repassa ce fleuve tant de fois traversé par lui, et qu’il ne devait plus revoir désormais.

Il suffit de la nouvelle de la bataille de Leipzig pour mettre fin au royaume de Westphalie. Jérôme Bonaparte s’enfuit de Cassel, et la Prusse, l’Angleterre, les maisons de Hesse, d’Oldenbourg et de Brunswick se remirent en possession de ce qui leur avait été enlevé. Le grand-duc de Francfort, Dalberg, abandonna le grand-duché que lui avait fait Napoléon, et se retira à Constance, puis plus tard à Ratisbonne, dont il était évêque. Le roi de Wurtemberg, les grands-ducs de Bade et de Hesse-Darmstadt se hâtèrent d’assurer leur existence par des traités particuliers avec l’Autriche, et joignirent aux troupes des alliés les contingens qu’ils avaient levés comme membres de la confédération du Rhin. L’organisation établie par Bonaparte tombait ainsi pièce à pièce ; mais qu’allait-on mettre à la place ? Les uns voulaient la restauration de l’ancien empire germanique, et croyaient qu’il était de toute justice de proclamer purement et simplement le rétablissement de l’ordre de choses renversé par la main de l’étranger. D’autres voulaient que tous les princes qui avaient fait partie de la confédération du Rhin fussent privés de l’administration de