Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/957

Cette page a été validée par deux contributeurs.
953
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

sant oppresseur de l’Europe, et fut, du sein de l’exil, l’un des instrumens les plus actifs du mouvement de réaction qui eut lieu plus tard contre la domination française.

Les grands changemens qui avaient bouleversé l’Allemagne septentrionale s’étaient faits sans la participation de l’Autriche, et Napoléon lui avait fait sentir durement l’abaissement où l’avait réduite le traité de Presbourg[1]. Effrayée sur son propre avenir par le sort de la Prusse, elle se prépara, dès l’année 1808, à tenter un nouvel effort pour reconquérir son rang parmi les puissances européennes, et pour assurer son indépendance sans cesse menacée par une ambition que rien ne semblait pouvoir assouvir. Napoléon paraissait avoir formé le plan d’asseoir successivement sur tous les trônes de l’Europe quelqu’un des membres de sa famille ; sa nouvelle entreprise contre l’Espagne justifiait toutes les craintes à cet égard, en même temps que les obstacles inattendus qu’opposait à ses projets l’indomptable énergie du peuple espagnol pouvaient faire croire que le moment était venu de mettre une barrière à tant d’envahissemens. La cabinet de Vienne se décida donc à la guerre, espérant que les alliés ne lui manqueraient pas, et que rois et peuples s’uniraient à lui pour briser le joug de fer qui courbait toutes les têtes. Cette attente fut trompée : la Russie prit parti pour la France, et envoya un corps d’armée en Gallicie ; l’appel de l’Autriche au peuple allemand manqua son effet et ne réveilla que des sympathies individuelles, trop impuissantes contre la terreur qu’inspirait le pouvoir de Napoléon ; les princes de la confédération du Rhin restèrent fidèles à leur puissant protecteur, et ce fut avec des troupes allemandes qu’il remporta les victoires par lesquelles il ouvrit la campagne de 1809[2]. L’ascendant de Napoléon l’emporta encore cette fois ; mais la lutte fut opiniâtre et terrible. L’archiduc Charles balança à Aspern la fortune du conquérant, et la victoire de Wagram ne fut achetée qu’au prix des plus sanglans sacrifices. Certains épisodes de cette guerre, comme l’apparition de quelques corps de partisans dans le nord de l’Allemagne, et surtout l’insurrection

  1. Lors de son entrevue à Erfürt avec Alexandre, il écrivit à l’empereur d’Autriche : « Il n’a tenu qu’à moi d’anéantir la monarchie autrichienne. »
  2. Il savait les enthousiasmer par des discours pleins d’habileté, que leurs chefs leur traduisaient en allemand. En voici un échantillon : « Je ne suis point au milieu de vous comme empereur des Français, mais comme protecteur de votre pays et de la confédération du Rhin. Il n’y a pas de Français parmi vous : vous devez à vous seuls vaincre les Autrichiens, etc., etc. »