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confédérés ne le regardaient pas, que les différends des princes de la confédération avec leurs sujets ne devaient pas être portés devant un tribunal étranger, et que le protecteur ne voulait pas faire usage du pouvoir qui lui avait été conféré pour restreindre leurs droits de souveraineté, mais au contraire pour leur en assurer la pleine et entière jouissance. Encouragés par cette déclaration, les princes portèrent partout la main sur les institutions qui limitaient leur autorité et qui avaient subsisté sous diverses formes jusqu’à la dissolution de l’empire dans tous les états, grands et petits. C’est ainsi que le Wurtemberg fut privé de son ancienne constitution, que Fox trouvait comparable à celle de l’Angleterre. L’électeur, devenu roi, argua de la plénitude de la souveraineté qui lui était reconnue par le traité de Presbourg pour enlever à ses sujets leurs vieilles libertés, et pour s’arroger un droit absolu et sans conditions à leur obéissance.

L’établissement de la confédération du Rhin avait mis dans la dépendance de Napoléon l’Allemagne occidentale et méridionale. Ce grand changement s’était accompli sans le concours de la Prusse, dont l’influence, autrefois si décisive dans les affaires de l’empire germanique, se trouvait annulée par la prépondérance de la France, et qui se vit avec douleur réduite au rang de ces puissances du second ordre auxquelles on ne demande pas même leur consentement pour régler ce qui touche à leurs intérêts les plus chers. Napoléon, il est vrai, engagea le cabinet de Berlin à former une confédération de l’Allemagne du nord, et cette idée fut accueillie avec espérance comme un moyen de relever la Prusse et de rétablir, à quelques égards, l’équilibre sur le continent ; mais l’offre impériale n’était qu’un leurre trompeur : il n’était pas dans les intentions de Bonaparte qu’un semblable projet se réalisât, et il ne tarda pas à le montrer en invitant les électeurs de Saxe et de Hesse à entrer dans la confédération du Rhin, et en enjoignant aux villes hanséatiques de ne pas se joindre à la ligue septentrionale, parce que la France voulait les prendre sous sa protection spéciale. Le gouvernement prussien fut profondément blessé de ces procédés et de quelques autres non moins significatifs ; son mécontentement fut au comble lorsqu’il se vit menacé de perdre le Hanovre, que la France, sans le consulter, offrit de restituer au roi d’Angleterre, lors des négociations sans résultat qui eurent lieu entre les deux puissances, sous le ministère de Fox. Ce dernier outrage poussa à bout l’amour-propre national et amena la guerre de 1806, où la Prusse, trompée sur sa force réelle par ses souvenirs du temps de Frédéric-le-Grand, jeta le gant au vainqueur