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qui se faisaient n’agissaient que faiblement sur l’opinion publique ; la nation paraissait aussi divisée et aussi indifférente aux destinées de la patrie, que ceux qui la gouvernaient ; ou plutôt l’empire n’était pas considéré comme une patrie, et on voyait sans regrets approcher le moment de sa dissolution définitive. L’Allemagne du nord, redevable du bienfait de la paix au traité de Bâle, jouissait en égoïste du calme et de la prospérité que lui avait assurés la politique prussienne, et faisait bon marché des souffrances de l’Allemagne méridionale. Celle-ci, désolée par une guerre longue et désastreuse, aspirait avant tout au repos et trouvait bon qu’on le lui procurât à tout prix. Il semblait, du reste, qu’il n’y eût rien de commun entre les diverses populations germaniques et que toute idée de grandeur et d’indépendance nationale leur fût devenue étrangère. Toutes les préoccupations des esprits élevés se portaient vers la littérature et la philosophie, qui étaient alors dans leur moment le plus brillant. Les chefs-d’œuvre des poètes de Weimar, les systèmes des penseurs de Kœnigsberg ou d’Iéna captivaient bien autrement l’attention publique que l’œuvre de démolition qui s’accomplissait à Rastadt ou à Ratisbonne ; il est vrai de dire que ce grand mouvement intellectuel, en relevant les Allemands à leurs propres yeux, devait plus tard contribuer puissamment à réveiller chez eux le sentiment patriotique.


V. — fin de l’empire germanique. — confédération du rhin. — réaction contre la domination française[1].

Les changemens qui venaient de s’accomplir n’étaient qu’un prélude à de plus grands changemens. Bonaparte, peu satisfait des conquêtes assurées à la France par le traité de Lunéville, aspirait ouvertement à la domination universelle, et son ambition ne semblait plus connaître de limites. Nommé empereur héréditaire des Français en 1804, il se fit roi d’Italie l’année suivante, et plaça sur sa tête la couronne de fer des monarques lombards. Parme, Plaisance et Guastalla, destinés, aux termes des traités, à indemniser le roi de Sardaigne, furent bientôt après réunis à l’empire français.

  1. La nature de ce travail nous ayant fait une loi de prendre, pour ainsi dire, notre point de vue de l’autre côté du Rhin, nous prions nos lecteurs de ne pas trop se scandaliser s’ils voient quelquefois dans les pages suivantes percer plus de sympathie pour les vaincus que pour le vainqueur. Une justice impartiale pour tous est le premier devoir de l’historien, et nous nous sommes efforcé d’y être fidèle.