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trèrent au cœur de l’Allemagne, et forcèrent l’électeur de Bavière, le duc de Wurtemberg et le margrave de Bade à des traités séparés où ces princes, suivant l’exemple donné par la Prusse à Bâle, abandonnaient leurs possessions de la rive gauche du Rhin, moyennant une indemnité à prendre sur la rive droite. Chacun se hâtait de s’assurer une bonne part dans les dépouilles des princes ecclésiastiques qu’on savait bien devoir être sacrifiés dans les futurs arrangemens. Toutefois la chance des armes tourna : l’archiduc Charles mit en déroute l’armée de Jourdan et força Moreau à sa belle retraite, si célèbre dans les annales de l’art militaire. L’empire était donc sauvé encore cette fois si Bonaparte n’eût conquis l’Italie par une suite de prodigieuses victoires qui arrachèrent à l’Autriche la convention de Léoben (18 avril 1797), suivie plus tard du traité de Campo-Formio (17 octobre).

Dans les préliminaires de Léoben, les plénipotentiaires autrichiens avaient stipulé pour la forme l’intégrité de l’empire germanique ; Bonaparte, s’étant emparé peu après des états de la république de Venise, fit taire les scrupules du cabinet de Vienne, en lui offrant cette riche proie qui lui fut adjugée par le traité de Campo-Formio en échange de la Belgique et du Milanais. Il fut convenu qu’un congrès serait tenu à Rastadt pour régler la pacification générale entre la France et l’empire germanique ; mais les bases de cette pacification furent établies d’avance par des articles secrets qui consacrèrent les principes du traité de Bâle, c’est-à-dire la cession de la rive gauche du Rhin à la France, et le remaniement de l’Allemagne aux dépens des faibles et au profit des forts. Les députés des états d’empire s’assemblèrent à Rastadt, où ils ne tardèrent pas à se convaincre que toute résistance aux exigences du vainqueur était désormais inutile. Ils furent donc forcés d’admettre en principe l’extension des frontières françaises jusqu’au Rhin et la sécularisation des principautés ecclésiastiques ; toutefois les difficultés soulevées par la répartition des indemnités firent traîner leurs délibérations en longueur, et une nouvelle rupture entre la France et l’Autriche les obligea de se séparer sans avoir rien conclu. Depuis le traité de Campo-Formio, le directoire avait révolutionné la Suisse et les états du pape ; il avait forcé le roi de Sardaigne à lui livrer la citadelle de Turin, et s’était emparé de la forteresse d’Ehrenbreitstein. L’Autriche jugea que la guerre était moins dangereuse qu’une semblable paix, et elle entra dans une nouvelle coalition avec la Russie et l’Angleterre ; la Prusse refusa de s’y joindre et maintint de nouveau la neutralité de l’Alle-