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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

Mayence, et Pichegru, poussant devant lui les Anglais et les Hollandais, se préparait à envahir la Hollande. Un hiver prématuré rendit inutile à ce pays sa barrière de fleuves et de marécages, que les troupes françaises franchirent sur la glace. Pichegru, favorisé par le parti opposé à la maison d’Orange, entra à Amsterdam le 19 janvier 1795, et la Hollande devint par le fait une province française. Pendant ce temps, les cours de Vienne et de Berlin, comme pour se consoler de leurs revers, achevaient avec la Russie le partage de la Pologne.

Le résultat le plus important des victoires des Français fut la paix de Bâle, où l’on vit le successeur de Frédéric-le-Grand, le zélé promoteur de la croisade de 1792, traiter le premier de puissance à puissance avec la révolution. La défection du roi de Prusse enleva à la coalition une partie considérable de ses ressources et de ses moyens d’attaque : elle l’affaiblit surtout moralement en montrant à tous les yeux que les intérêts tenaient une bien plus grande place que les principes dans l’alliance des puissances contre la révolution, et que la foi et l’honneur monarchiques étaient bien moins enthousiastes et bien plus accommodans que les convictions républicaines. Dès la fin de 1794, Frédéric-Guillaume II avait commencé à négocier avec la convention. Depuis ce temps, les Français avaient envahi la Hollande, ils avaient chassé le stathouder, beau-frère du roi de Prusse, et renversé un ordre de choses établi et garanti par lui-même huit ans auparavant[1]. Mais ni cette conquête, qui enlevait à Frédéric-Guillaume un allié important et effaçait un titre de gloire des armes prussiennes, ni les efforts de l’Angleterre et de l’Autriche pour l’empêcher de traiter séparément, ne purent prévaloir sur son désir passionné de se débarrasser de la guerre avec la France. Le traité de Bâle fut signé le 15 avril. Frédéric-Guillaume s’engageait à vivre en paix, amitié et bonne intelligence avec la république, tant comme roi de Prusse que comme membre de l’empire germanique, et à laisser les Français en possession provisoire des provinces prussiennes situées sur la rive gauche du Rhin, ajournant tout arrangement définitif à l’égard de ces provinces jusqu’à la pacification générale entre la France et l’empire. De son côté, la république s’engageait à retirer ses troupes des possessions

  1. En 1787, le parti opposé à la maison d’Orange ayant forcé le stathouder à renoncer à sa dignité, le roi de Prusse avait fait entrer ses troupes en Hollande et rétabli le stathoudérat héréditaire. Cette expédition brillante avait consolidé et augmenté le renom militaire des Prussiens, et il s’en était suivi un traité par lequel Frédéric-Guillaume garantissait la constitution des Provinces-Unies.