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IV — premières guerres de la révolution. — leurs conséquences en allemagne. — traités de bâle et de lunéville.

D’après ce que nous venons de dire sur l’état des esprits en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle, il est facile de comprendre quelle impression y produisit la révolution française. Ce fut d’abord un enthousiasme à peu près universel, surtout dans la classe moyenne sur laquelle les mots de liberté et d’égalité exerçaient une séduction assez naturelle, et parmi les gens de lettres dont l’imagination, frappée de la grandeur du drame qui se déroulait devant leurs yeux, croyait voir dans un prochain avenir l’accomplissement inespéré de toutes les promesses de la philosophie moderne. Cet enthousiasme se refroidit sans doute à mesure que la révolution se montra sous un aspect plus sombre et plus sanglant ; mais il resta toujours dans un grand nombre d’esprits une sympathie secrète pour la cause de la démocratie française, qui pénétra jusque dans les conseils des souverains et ne contribua pas peu à y porter l’irrésolution et le découragement.

Il existait trop de liens de toute espèce entre toutes les nations européennes pour que la révolution pût se développer sans changer les rapports de la France avec les états voisins, et sans amener quelques-uns de ces conflits que la guerre seule peut trancher. L’assemblée constituante, dès ses débuts, porta la main sur les droits de l’empire germanique, en étendant la mesure générale qui supprimait la féodalité aux possessions que plusieurs princes allemands avaient conservées dans les provinces cédées à la France au XVIIe et au XVIIIe siècles[1]. Les parties lésées se plaignirent amèrement de cette atteinte portée aux traités, d’abord près du roi de France qui n’était déjà plus le maître, puis près de l’empereur Joseph II, alors occupé à faire la guerre aux Turcs, et dont la mort, arrivée bientôt après, fut suivie d’un interrègne de sept mois. Cette première querelle fut bientôt envenimée par de nouveaux griefs. Lorsque les progrès de la révolution poussèrent une partie si considérable de la noblesse et du

  1. Ces provinces étaient l’Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté et le Hainaut. Les princes possessionnés étaient les trois électeurs ecclésiastiques, le grand-maître de l’ordre Teutonique, les évêques de Strasbourg, de Spire et de Bâle, les ducs de Deux-Ponts et de Wurtemberg, le margrave de Bade, les princes de Nassau, de Hesse-Darmstadt, et quelques autres.