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REVUE DES DEUX MONDES.


Scène ii.


JULIE et LOUISE, en habits du matin.
LOUISE.

Mon Dieu ! maman, que se passe-til donc ? Que de voitures sont entrées dans la cour aujourd’hui ! Je n’ai pu réussir à approcher de mon père pour lui dire bonjour.

JULIE.

Ton père a une existence bien malheureuse, mon enfant ! Il travaille à l’œuvre funeste de la richesse.

LOUISE.

N’est-ce pas, maman, que vous regrettez souvent le temps où, comme moi, vous ne souhaitiez qu’un sort modeste et l’affection de ceux qui vous étaient chers ?

JULIE.

Ô ma fille !

LOUISE, regardant à une fenêtre.

Comme le peuple est agité aujourd’hui ! Voyez donc, maman, tous les travaux semblent interrompus ; on se groupe, on se parle avec inquiétude… Le peuple est bien à plaindre, n’est-ce pas, maman ?

JULIE.

Qu’en sais-tu ? mon enfant.

LOUISE.

Oh ! j’y pense souvent, et je prie Dieu tous les jours pour que cela change et qu’il n’y ait plus de pauvres.


Scène iii.


Les précédents, BOURSET.
BOURSET, fort ému, sur le seuil de son cabinet, et parlant à ceux qui y sont.

Écoutez-le donc, messieurs, je lui cède la place ; il me siérait mal de disputer avec l’ignorance et la mauvaise foi. Il me répugnerait d’avoir à défendre mon honneur contre la calomnie et la vengeance. Je laisse à vos consciences le soin de me justifier et à la sienne la tâche de le punir. (il laisse retomher les battans de la porte et revient pâle et tremblant tomber sur une chaise, sans voir sa femme et sa fille.)

LOUISE, courant vers lui.

Qu’est-ce donc ? Mon papa semble prêt à s’évanouir. Oh ! mon Dieu ! maman, voyez comme il est pâle ! Mon père, répondez-moi !… Vous souffrez ?…

JULIE, s’approchant de Bourset plus lentement.

Quel malheur vient donc de vous frapper, monsieur ?