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guerre de trente ans éclata. Cette guerre, bien plus politique que religieuse, se serait décidée au profit de la maison d’Autriche et du pouvoir impérial, sans l’intervention de la Suède et de la France, qui, poussées par des motifs bien différens, firent pencher la balance en faveur du protestantisme et de l’indépendance des princes. Le traité de Westphalie modifia la constitution germanique de manière à relâcher encore le lien déjà si peu serré qui unissait les divers membres de l’empire. Les deux partis qui avaient si long-temps combattu restèrent en présence, avec la dénomination légale de corps des catholiques et de corps des évangéliques. Les princes acquirent tous les droits de la souveraineté, notamment celui de faire la paix et la guerre, et de s’allier entre eux et avec les étrangers. La France et la Suède furent chargées de garantir l’exécution du traité, ce qui leur conférait en quelque sorte la tutelle de l’empire. À dater de cette époque, les princes allemands tendirent de plus en plus à se considérer comme n’ayant entre eux d’autres rapports que ceux qui existaient entre les divers états de l’Europe ; ils ne tinrent plus compte que de leurs intérêts particuliers, et se firent rarement scrupule de leur sacrifier ceux de l’empire ; aussi fut-il toujours facile aux puissances étrangères de les armer les uns contre les autres, et de paralyser ainsi les forces du corps germanique. Ce fut particulièrement la France qui profita de cet état de choses pour établir sa prépondérance en Europe. Louis XIV enleva aux deux branches de la maison d’Autriche l’Alsace, la Franche-Comté, une partie de la Flandre et du Hainaut. Grace à la position que lui avait faite le traité de Westphalie, il ne cessa de s’immiscer secrètement ou publiquement dans les affaires de l’empire ; ses guerres eurent souvent l’Allemagne pour théâtre, et les dévastations opérées par ses ordres sur les bords du Rhin ont laissé une tache à sa mémoire. La fin du règne de ce prince fut marquée par des revers aussi signalés que l’avaient été ses victoires : toutefois l’Allemagne n’y gagna presque rien, et le traité de Rastadt n’enleva à la France qu’une très faible partie de ses nouvelles acquisitions. C’est que le saint-empire était devenu un vain nom qui ne représentait rien de réel, et que le corps germanique, en vertu de sa constitution, ne pouvait trouver ni mandataires ni alliés sérieux dans les congrès où se débattaient les grands intérêts européens. Les plus puissans de ses membres, occupés uniquement de leurs plans particuliers d’agrandissement, semblaient avoir oublié qu’ils avaient une patrie commune : il y avait une politique autrichienne, prussienne, bavaroise, saxonne ; il n’y avait pas de politique