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Habsbourg ; mais il était trop tard pour que la monarchie pût regagner ce que les siècles lui avaient fait perdre. Les états d’empire[1], grands et petits, avaient conquis presque tous les droits de la souveraineté, et ils avaient assuré leurs conquêtes par de fortes alliances entre eux. L’empire ne donnait plus à l’empereur ni autorité ni richesse ; loin de pouvoir penser à se faire obéir des princes, il ne pouvait même pas obtenir leur concours pour rétablir un peu d’ordre matériel. Tous étaient en guerre les uns contre les autres ; chacun se faisait justice à main armée, et les cinquante-quatre ans du règne de Frédéric III se passèrent en efforts inutiles pour faire décréter la paix publique (Landfriede). L’état de l’Allemagne au XVe siècle est fidèlement retracé dans ces paroles remarquables adressées aux Allemands par Silvius Énée Piccolomini : « Il y a une raison qui a affaibli votre empire et qui le réduira à rien, si vous n’y mettez ordre : les philosophes déclarent funeste le grand nombre des princes, vous en faites vos délices. Quoique vous confessiez que l’empereur est votre roi et votre seigneur, son autorité est précaire, sa puissance est nulle ; vous ne lui obéissez qu’autant que vous voulez, et vous ne le voulez pas du tout. Ni villes, ni princes, n’accordent à l’empereur ce qui lui est dû ; on ne lui paie point d’impôts, il n’a point de trésor. Chacun veut être chez lui modérateur et arbitre. De là vos discordes continuelles et vos guerres interminables. Si vous désirez recouvrer votre ancienne prépondérance, reprenez vos anciennes vertus, vos anciennes mœurs ; surtout, préférez l’unité à la division. Rendez à votre chef spirituel et à votre chef temporel les honneurs et l’obéissance qui leur sont dus. Si vous le faites, vous reconquerrez infailliblement votre antique gloire, et vous donnerez encore des lois à plusieurs grandes nations[2]. »

Maximilien Ier, prince brillant et aimable qu’on a appelé le dernier des chevaliers, parvint à rétablir l’ordre en Allemagne en faisant décréter par la diète la paix publique perpétuelle. C’est aussi sous son règne que fut fondée la chambre impériale et que l’empire fut divisé en dix cercles, mesures très utiles, mais qui, loin d’augmenter l’autorité de l’empereur, la restreignirent encore à certains égards. L’ordre de choses constitué par la bulle d’or avait jeté trop de racines dans les mœurs et les habitudes pour qu’il fût facile de ramener tant

  1. C’est au XIVe siècle que le nom d’états d’empire (Reichsstaende) commence à être usité en parlant des princes, seigneurs et nobles. Sous Charles IV, leurs droits et priviléges sont exprimés par le mot de supériorité territoriale (Landeshoheit).
  2. Æneœ Silvii Germania, dans Schardii Rer. Germ. scriptor., pag. 465.