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LES MISSISSIPIENS.

tions de M. Bourset. J’admets sa bonne foi, et je vous déclare qu’il peut être dans une voie d’erreur et d’enivrement dont il sera victime lui-même.

LE DUC.

Écoutez-le, monsieur Bourset, M. Freeman parle en galant homme.

BOURSET.

Écoutez-moi un moment, monsieur le duc, deux mots éclaireront la question. Monsieur fait la cour à ma fille ; je l’ai soustraite à ses poursuites, je lui ai refusé sa main, et, par vengeance, il veut flétrir mon honneur et ruiner mon crédit. Expliquez-vous avec lui maintenant, vous, monsieur le duc, à qui ma fille est promise.

LE DUC.

Ah ! pardieu ! ce serait trop fort qu’on voulût m’enlever à la fois la main de Louise et mon million, s’il est vrai qu’il repose sur la confiance que votre nom inspire. Optez, monsieur Freeman, laissez-moi l’un ou l’autre, s’il vous plaît.

GEORGE, à Bourset, avec indignation.

Vous venez de dire une parole bien imprudente, monsieur Bourset. C’est insensé ce que vous venez de faire ! Rien n’enchaînera plus mon indignation. Venez, monsieur le duc, venez entendre la vérité ; je la dirai devant tous. (Il veut sortir, le duc le suit.)

BOURSET, se plaçant devant eux.

C’est à vous d’opter, monsieur le duc. Cet homme, avec de faux renseignemens et des preuves absurdes, que, dans le premier mouvement de frayeur, chacun acceptera sans examen, va ruiner mon crédit et vous faire perdre, par conséquent, les fonds que vous avez mis dans l’entreprise. Voyez si vous voulez lui céder la main de ma fille ; j’y consens, moi, car ma ruine va entraîner celle de bien des honnêtes gens, et je saurai sacrifier mes sympathies à leurs intérêts. Voyez : s’il parle et si on l’écoute, je ne réponds plus de rien.

LE DUC.

Monsieur Bourset, me croyez-vous lâche ou me savez-vous homme d’honneur. Si la vérité n’intéressait que moi, je pourrais refuser de l’entendre ; mais je ne suis pas seul en cause ici, et, si monsieur doit faire quelque révélation qui soit utile aux autres, j’aime mieux perdre mon argent que ma propre estime. (À Freeman.) Venez, monsieur !

BOURSET, bas à Freeman.

Eh bien ! vous, monsieur, songez que vous allez décider de votre sort. Gardez le silence, et vous pourrez prétendre à ma fille.

FREEMAN, le regarde avec mépris, et se retournant vers le duc :

Allons, monsieur !

(Ils entrent tous trois dans le cabinet.)