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LES MISSISSIPIENS.

ACTE iii.


(À l’hôtel Bourset. — L’appartement de Samuel Bourset.)

Scène Première.


LE DUC, BOURSET.
BOURSET.

Levé avant midi, monsieur le duc ? Après la fatigue de votre bal ? Vraiment, vous êtes de fer. Vous rajeunissez tous les jours !

LE DUC.

Le duc de La F… est venu m’éveiller ce matin avec une nouvelle qui m’a ôté l’envie de me rendormir, je vous assure.

BOURSET.

Parbleu ! la belle fête que vous nous avez donnée cette nuit ! Je suis sûr qu’il ne sera bruit d’autre chose ce soir à la cour et à la ville.

LE DUC.

Il s’agit bien de mon bal ! Parlez-moi donc de ce qui occupe tout le monde et de ce qui m’inquiète en particulier. Que dites-vous de l’arrêt ?

BOURSET.

Celui de ce matin ? C’est un arrêt comme tant d’autres.

LE DUC.

C’est un arrêt comme il ne s’en est jamais vu ! un arrêt à nous ruiner tous ! une exaction, une infamie !

BOURSET.

Bah ! voilà comme vous êtes tous, avec vos méfiances et votre ignorance des affaires ! Est-ce qu’il est exécutable, cet arrêt ? Et d’ailleurs, est-ce qu’il concerne les partisans du système ?

LE DUC.

Partisans ou récalcitrans, il frappe tout le monde. On parle déjà d’arrestations, de visites domiciliaires, de Bastille, de procès, de potence, que sais-je ? Pour nous faire donner notre argent plus vite, et Dieu sait que pourtant nous allions assez vite comme cela, voilà qu’on imagine de nous le prendre de force ! Merci Dieu ! défense à quiconque veut avoir des valeurs monnayées, de garder chez soi plus de cinq cents livres ! et le reste de notre fortune, on nous le restitue en papier.

BOURSET.

Eh bien ! que vous faut-il donc ? Le papier vaut dix fois l’argent, et vous n’êtes pas content !

LE DUC.

Voilà un joli arrangement ! L’état déclare que le papier décuple mes rentes, et mon tapissier, mon maître d’hôtel, mon cordonnier, mon valet de chambre,