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de Giulio Genoino ? mais ces pièces, destinées à l’éducation du jeune âge, ne sont que de froides imitations de Berquin et de Mme de Genlis. C’est la perfection du genre ennuyeux et du genre plat. D’autre part, les comédies de caractère du Piémontais Alberto Nota, qu’on a essayé de naturaliser à Naples et de célébrer naguères à Paris, manquent absolument d’originalité. On y sent trop l’imitation gênée de Goldoni et du théâtre français. Ces comédies sont telles que pourrait les écrire un garçon rangé, qui ne voudrait déplaire à personne ; elles sont très raisonnables, très morales, mais parfaitement insipides, et il faut avoir une prodigieuse bonne volonté pour y trouver le plus petit mot pour rire. Alberto Nota ne manquait cependant ni d’observation ni de talent ; mais que voulez-vous que fasse, en Italie, un pauvre auteur qui veut plaire au gouvernement et faire de la peinture de mœurs ? Nota fut l’homme prudent par excellence, et cependant peu s’en fallut que, malgré tous ses ménagemens et ses précautions timorées, il n’eût, comme le malheureux Pellico, la gloire du martyre. En 1817, il avait fait jouer à Naples la Donna ambiziosa, pièce qui rappelle les Deux Gendres, et qui eut peu de succès. Il voulut se venger par un double triomphe à Turin, et donna successivement la Lusinghiera, la coquette, et la Costanza rara. Ces deux ouvrages obtinrent une sorte de succès d’estime, et Alberto Nota, complimenté par son souverain était en passe d’arriver aux premiers honneurs littéraires, lorsque l’ambassadeur russe découvrit dans la seconde de ces innocentes comédies une de ces énormités qu’un gouvernement fort ne saurait pardonner. Un des personnages de la pièce, qui était Français, ne s’avisait-il pas de dire que les glaces du Nord avaient été de moitié au moins dans le désastre de Moscou ! L’ambassadeur moscovite demanda raison de cette vérité insolente, et sur-le-champ on s’empressa de le satisfaire. La pièce fut interdite, l’auteur et le directeur du théâtre furent sévèrement réprimandés, et peu s’en fallut même qu’Alberto Nota ne fût puni de son audace par une retraite d’une couple d’années dans une forteresse. Que l’on s’étonne, après cela, de la dégradation des grands théâtres et de l’insipidité du répertoire moderne.

Alfieri, vers la fin de sa carrière, s’écria un jour : — Jeune homme, je pleurais ; maintenant que me voilà vieux, je veux rire !

Giovine piansi ; or, vecchio omai, vo’ ridere !

Et il composa six comédies tout d’une haleine. Mais en croyant res-