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ses doutes sur-le-champ, mais il craint de donner l’éveil à son élève. Celui-ci le serre de nouveau dans ses bras ; c’est à lui seul, à ses excellens avis qu’il devra son bonheur. Il s’éloigne en gambadant, sans que le pauvre homme ait pu tirer de lui aucun éclaircissement.

Don Procolo cependant commence à se douter de son infortune. C’est contre lui-même qu’il a travaillé ; c’est le séducteur de sa femme qu’il a si bien dirigé, qu’il a même aidé de sa bourse. La jalousie l’étouffe ; il veut savoir à quoi s’en tenir et se rend chez sa femme quelques instans après l’heure indiquée pour le rendez-vous, lorsqu’il suppose que le galant doit être entré. Mais les amans entendent le bruit des pas du mari. Où fuir, où se cacher ? Pulcinella se jette bravement dans un grand baquet plein d’eau, et la jeune femme lui couvre la tête d’un linge mouillé ; on ne viendra pas le chercher au milieu d’une lessive, et ce bain donnera à Pulcinella, toujours plaisant, l’occasion de faire une foule de grimaces et de débiter mille lazzi. Le mari cherche, ne trouve rien, et sort furieux. Pulcinella rejette le linge qui le couvrait, et, du fond de son baquet, adresse mille tendres protestations à sa belle. L’eau a fait sur son cœur brûlant l’effet de l’huile, elle a activé le feu. Il n’ose cependant en sortir, car il craint d’être consumé vivant. Lucinda lui répond d’une manière plus naturelle. — Viens, mon ami, viens te sécher, viens te réchauffer dans mes bras. — Elle accompagne ses mots de l’œillade la plus expressive, tend la main à son amant, et le rideau tombe.

Pulcinella n’a pas reconnu son professeur ; le lendemain il n’a rien de plus pressé que de lui faire le récit de son aventure. Don Procolo est furieux, mais il dissimule. Il apprend que Lucinda a donné à son amant un nouveau rendez-vous pour le soir même, et il jure, par Vulcain, de se venger de sa mésaventure. Il guette les amans et arrive cette fois tellement à l’improviste, que Pulcinella n’a que le temps de se jeter dans une armoire. Don Procolo l’a vu entrer, il querelle sa femme, met la clé de l’armoire dans sa poche, et sort pour chercher les parens de Lucinda et la confondre en leur présence. C’est encore la vieille histoire de George Dandin. Mais la fine commère trouve une double clé. Elle fait sortir son amant, et met à sa place le chien de sa voisine. Ici la pièce tourne à la bouffonnerie. Les parens arrivent ; ils ne peuvent croire qu’une femme aussi modeste que Lucinda ait trompé son mari et cache ses amoureux dans son armoire. — Vous doutez encore, s’écrie don Procolo, eh bien ! quand vous allez voir le galant de madame, peut-être serez-vous convaincus. Il ouvre la porte en criant : Le voici, et un gros caniche s’élance au