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logie avec les charges du même genre que les Napolitains se permettent lorsqu’ils font paraître sur la scène un Anglais ou un Français, et qu’ils se plaisent à introduire dans de petits drames dont le sujet est national, comme la Fête de Pausilippe, la Madonna della Grotte, ou les Ruines de Pompeïa. Dans ces farces napolitaines, l’Anglais est toujours représenté grand et gros, le Français petit et maigre ; l’Anglais ne rit jamais, et le Français rit toujours. L’Anglais a ses poches pleines d’or ; mais toutes les fois qu’on lui demande un carlin, ou qu’il s’agit de payer un mémoire, il se met dans une terrible colère, et rabat de moitié sur le prix. Le Français n’aime guère plus à donner son argent, mais c’est parce que sa bourse est fort mince. Ces moqueries sont fort innocentes et un peu usées ; on doit d’autant mieux les pardonner aux Napolitains, qu’ils s’exécutent eux-mêmes de fort bonne grace. Ainsi, dès qu’un étranger paraît en scène, on voit toujours quelque drôle tout débraillé ôter respectueusement son chapeau s’il en a un, et tendre insensiblement la main, en disant : Caro signore. C’est leur façon ordinaire de mendier. Ils en ont de plus ingénieuses ; celle-ci, entre autres, m’a paru charmante. Un étranger entre dans un café de la rue de Tolède et prend une glace ; au moment de la payer, le garçon lui dit : — Mais c’est déjà fait, un de vos amis a payé pour vous. — Un ami…, je ne connais personne ici. — N’importe, on a payé pour vous. — L’étranger sort tout surpris. À la porte du café, un homme, vêtu d’une manière convenable et qui paraissait l’attendre, le salue jusqu’à terre, et lui dit avec une sorte de sourire humble : — Pardonnez-moi, caro signore, mais c’est moi qui tout à l’heure ai voulu avoir le plaisir de payer pour vous. Je suis un pauvre musicien sans ouvrage, et j’avais grand désir de vous connaître, sachant combien vous êtes généreux, etc. On devine aisément le reste du compliment. Il n’y a pas de peuple au monde qui sache mieux mendier, qui aime plus l’argent, et qui sache plus mal s’en servir.

Dans les Ruines de Pompeïa, Pulcinella, qui aime la fille d’un custode de l’endroit, s’est mêlé à une troupe de visiteurs étrangers, qu’il amuse de ses saillies et aux dépens desquels il se régale, volant les meilleurs morceaux du déjeuner, et escamotant toujours le carlin que les visiteurs mettent dans la main des custodes. Ceux-ci finissent par s’apercevoir de la chose, trouvent la plaisanterie fort mauvaise, et veulent prendre au collet Pulcinella, qui se fâche, crie très fort et s’indigne qu’on ose soupçonner un galant homme comme lui, un personnage de son importance. Il contrefait tour à