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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

tenu vivement en haleine, suit les péripéties du drame avec une véritable curiosité. C’est de l’intérêt de mélodrame, mais c’est du moins de l’intérêt, et il n’y a là que la dose de balourdise suffisante pour que le parterre soit satisfait. C’est à ces divers titres que Pulcinella chef de brigands a mérité la vogue.

La scène se passe dans les Calabres : Pulcinella, qui a fait de mauvaises affaires dans le commerce, se livre à une autre industrie ; il exploite les grands chemins. Dans cette nouvelle carrière, il a commencé par être le bouffon des troupes de Parafante et de Francatripa ; puis il a pris goût au métier, et pour partager les bénéfices, il s’est fait brigand. Enfin, le dernier de ces chefs étant mort, ses compagnons, que son courage et les ressources de son esprit ont séduits, le nomment leur capitaine à sa place, après lui avoir fait préalablement, et comme épreuve, manger le cœur du défunt. Pulcinella a tout ce qu’il faut pour être un excellent chef. Il est sans scrupules et sans pitié, il professe le plus souverain mépris pour la vie des hommes ; l’assassinat pour lui n’est qu’une peccadille ; c’est même un devoir quand il a pour but la vengeance. N’est-ce pas là le point d’honneur espagnol dont nous parlions tout à l’heure ? Dans la mauvaise fortune, Pulcinella prend philosophiquement son parti, et, quand la chance est heureuse, lorsque les affaires vont bien, il mange comme quatre, boit comme six, danse la pecorara et la tarentella avec son abandon et sa souplesse ordinaires.

Le nouveau chef a des projets sur une meunière des environs de Nicastro, qui, outre ses appas, a, si l’on en croit la renommée, un grand sac rempli d’écus dans son armoire. Pulcinella laisse sa bande dans la forêt voisine, et, suivi d’un seul de ses compagnons, il va faire une visite à la meunière. Pour ne pas lui donner d’ombrage, il fait cacher son camarade derrière un buisson et se présente seul à la porte. C’est un dimanche ; le brigand a choisi ce jour-là parce qu’il sait que le meunier est à l’église de la bourgade voisine, et que la meunière reste seule au logis avec un enfant. Pulcinella se présente comme un garçon meunier sans ouvrage. Il est bien accueilli par la meunière ; mais tout à coup, profitant d’un moment où l’enfant s’est éloigné, il tire un grand couteau, et menace la meunière de lui couper la gorge, si elle ne lui donne sur-le-champ tout l’argent qu’elle possède. La meunière effrayée promet de le satisfaire. — Mon argent est là-haut, lui dit-elle, dans mon armoire ; venez avec moi, je vous le donnerai. Pulcinella la suit, en conservant du mieux qu’il peut son air grave et calme. Il trouve la meunière si jolie, que, n’était l’avidité